COOREMAN, Gérard, F.-M.
Né à Gand, le 25 mars 1852, décédé à Bruxelles, le 2 décembre 1926.
Ministre d'État.
Président de la Chambre des Représentants, 1908-1912.
Premier Ministre, 1918.
Ministre des Affaires Économiques, 1918.
Ministre de l'Industrie et Travail, 1899.
Grand Croix de l'Ordre de Léopold, Croix Civique de 1re Classe 1914-1918, Croix Spécial des Mutualistes, Médaille Commémorative du Règne de Léopold II.
Grand Croix de l'Ordre Royal de Victoria Grande-Bretagne, de l'Ordre de l'Étoile Polaire de Suède, de l'Ordre du Soleil Levant de Japon et de l'Ordre de la Légion d'Honneur de France, Grand Officier de l'Ordre Pontificial du Pie.
Après la retraite de de Broqueville, le Roi ayant consulté quelques personnalités politiques, chargea Gérard Cooreman de reconstituer le ministère.
Le nouveau chef de cabinet était un fort honnête homme, dénué d’ambitions, plein d’adresse pour résoudre les petits problèmes de la vie politique quotidienne mais n’ayant pas le goût des responsabilités et sans désir de connaître les griseries ou les amertumes du pouvoir. Il ne faudrait pas en déduire qu’il manquait d’intelligence. Bien au contraire, ses petits yeux plissés cachaient la vivacité de son esprit mais sa barbiche était plus pacifique que batailleuse. Pour tout dire il aimait mieux présider un conseil d’administration qu’un conseil de cabinet.
Ce fils de banquier avait vu le jour à Gand au mois de mars 1852 et faisait parti de cette phalange qui, avec Jules Vandenpeereboom, de Smet de Naeyer et Firmin Vanden Bosch fit ses études au collège Ste-Barbe avant de s’occuper des affaires publiques ou judiciaires. Bien entendu, il avait conquis son diplôme de docteur en droit à l’Université de Gand mais il ne semble pas avoir eu une vie bien active au barreau et en bon chrétien, il na tarda pas à s’occuper des affaires de son père, ce qui lui permit d’acquérir une belle situation et de jolis revenus. En 1892, à l’âge de 40 ans, il avait été élu sénateur par l’arrondissement de Gand et n’avait pas tardé à acquérir à la haute assemblée la réputation d’un homme plein de tact et de conciliation. Six ans plus tard, des dissentiments s’étant produits au sein de l’association catholique à propos de la constitution des listes électorales, le président de l’arrondissement de Gand lui offrit la première place sur la liste de la Chambre et ce choix heureux donna satisfaction à tout le monde et apaisa les esprits.
Le bon Vandenpeereboom lui offrit en 1899 le portefeuille de l’industrie et du travail dans le cabinet éphémère qu’il avait constitué. Ce fut un ministre comme Léopold II les aimait, davantage préoccupé de la prospérité industrielle du pays que du développement des lois sociales, mais le ministre vécut ce que vivent les roses et Cooreman s’en retourna à ses conseils d’administration et à son mandat parlementaire. Faut-il le dire, cet excellent homme, la charité même, aimait mieux Woeste que Beernaert, il n’avait aucune sympathie pour la représentation proportionnelle et pas beaucoup plus pour le service militaire obligatoire ni l’extension du droit de suffrage, mais son intelligence lui permettait de comprendre la nécessité de maintenir l’unité du parti catholique et l’aménité de son caractère lui faisait jouer un rôle conciliateur entre la vieille et la jeune droite.
D’aussi aimables qualités la désignaient tout naturellement pour assurer la succession de Schollaert, président de la Chambre, lorsque celui-ci après la mort de Jules de Trooz devint chef de cabinet, la Chambre ne tarda pas à s’apercevoir qu’elle avait un excellent président dirigeant ses débats avec une souriante autorité. Lors du vote de la loi de 1909 il essaya de trouver une transaction entre Woeste et Schollaert pour éviter la division du parti catholique mais ne put y réussir et vota avec Woeste. La clairvoyance de son patriotisme ne lui permettait pas de garder rancune au chef de cabinet, si même son caractère l’y avait poussé.
A la fin de la session de 1912, il annonça son intention de ne pas demander le renouvellement de son mandat et de quitte la vie politique. Nommé Ministre d’Etat au mois de novembre, il accepta de hautes fonctions à la Société Générale de Belgique et abandonna le Parlement lors des élections du printemps de 1914.
Au début de la guerre, il suivit le gouvernement à Anvers puis au Havre où, après l’entrée de membres de l’ancienne opposition dans le ministère, il assista au réunions du cabinet avec voix consultative, il ne paraît pas avoir joué un rôle important dans les querelles qui divisèrent les ministres voués à une inaction plus ou moins forcée.
Pourquoi le Roi fit-il appel à son concours pour succéder à de Broqueville ? Déjà lors de la chute de Frans Schollaert, le Souverain avait offert au président de la Chambre de reconstituer le cabinet, mais, Cooreman avait refusé de manière catégorique. En 1918, il est probable que le Roi souhaitait un chef de cabinet capable d’apaiser les esprits de ramener l’entente au sein du gouvernement en attendant qu’un large ministère d’union nationale puisse se constituer dès la fin des hostilités avec le concours des personnalités demeurés au pays. Cooreman était l’homme tout indiqué pour remplir ce rôle puisqu’il ne comptait que des amis dans les rangs de tous les partis. La difficulté de convaincre l’intéressé, plus que jamais dénué d’ambition. Ce fut uniquement par devoir patriotique que Cooreman finit par accepter en y mettant comme condition son abandon du pouvoir dès la fin de la guerre. En devenant chef de cabinet il prit pour lui le portefeuille des affaires économiques et demanda aux autres ministres de conserver leur fonction. Durant les cinq mois que dura son ministère, il eut soin de ne pas s’occuper des affaires militaires et présida avec courtoise le conseil s’efforçant avec plus ou moins de bonheur de maintenir l’entente entre ses collègues sans essayer de marquer de sa griffe son passage au ministère ou de préparer des solutions aux problèmes du lendemain. Du reste, il n’avait pas été choisi pour cela.
On a beaucoup reproché à Cooreman de s’être montré trop pressé de quitter le pouvoir dès l’armistice. Il n’avait jamais caché ses intentions, les reproches paraissent donc injustes. D’autre part, le Roi, lui-même, n’avait-il pas hâte de voir se constituer un gouvernement d’union nationale débarrassé des querelles du Havre et décidé à s’attacher à la reconstruction nationale. Nous croyons donc qu’en offrant la démission de son gouvernement le 13 novembre 1918, Cooreman pouvait estimer avoir rempli sa tâche. Au surplus, il ne faut pas oublier qu’il se trouvait aux côtés du Roi lors de la fameuse entrevue de Loppem où Janson et Anseele furent reçus par le Souverain ; mais ceci relève davantage de la constitution du cabinet présidé par Delacroix et le chapitre suivant nous permettra de nous étendre sur le soi-disant guet-apens de Loppem.
Avant de se retirer définitivement de la vie politique, Gérard Cooreman voulut rendre compte de l’action de son ministère durant les derniers mois de la guerre. C’est ainsi que le Parlement put assister à ce spectacle, unique, croyons-nous, dans notre histoire politique, d’un ancien ministre dont la démission avait été acceptée et d’un ancien parlementaire prenant la parole devant les Chambres réunies. L’assemblée applaudit beaucoup mais ne posa pas de question car chacun attendait l’arrivée du Souverain et le discours du trône.
Rentré dans la vie privée, Gérard Cooreman vécut encore huit années entouré de la sympathie générale, le Roi avait pour lui la haute estime qu’il vouait aux hommes de devoir et lorsque le chef de cabinet s’éteignit à Bruxelles le 2 décembre 1926, le Souverain se rendit à la mortuaire pour lui rendre une dernier hommage.
Bartelous, J., Nos premiers ministres de Léopold Ier à Albert Ier, Brussel, 1983.