CRAHAY, Baron Albert.

Né à Ixelles, le 9 juin 1903, décédé à St.-Cézaire-sur-Siagne, le 19 octobre 1991.

 

Lieutenant-Général.

Commandant des Forces Belges en Allemagne, 1960-1964.

Commandant du Corps de Volontaires pour la Corée, 1950-1951.

 

Grand Croix de l'Ordre de Léopold II avec Palme, Grand Officier de l'Ordre de Léopold et de l'Ordre de la Couronne, Croix de Guerre 1940 avec Palme, Médaille Commémorative de la Guerre 1940-1945 avec Sabres Croisées, Médaille des Prisonniers de Guerre 1940-1945, Médaille Commémorative des Théatres d'Opérations Extérieurs avec Barette "Corée-Korea", Médaille du Volontaire de Guerre avec Barette "Corée-Korea", Croix Militaire de 1re Classe, Médaille Commémorative du Règne du Roi Albert I.

Officier de la Legion of Merit et Distinguished Service Cross États-Unis, Croix d'Honneur et du Mérite Militaire en Vermeil avec Palme de Luxembourg, Chungmu avec Étoile en Argent de Corée, Médaille de la Guerre du République de Corée, Médaille de Corée des Nations-Unis.

 

 

CRAHAY, Albert, Emile, Baron, Lieutenant Général, né à Ixelles le 9 juin 1903, décédé à Saint-Cézaire sur Siagne (Alpes-Maritimes, France) le 19 octobre 1991.

Fils de Nestor-Iris Crahay et de Irma Volon, il est le cadet, tard venu, dix-sept ans après ses aînés, d’une famille de quatre enfants dont le père était directeur général des eaux et forêts. A son frère aîné qui fait la guerre de 1914-1918 comme officier d’artillerie, puis comme officier observateur à l’aviation, il voue un véritable culte qui sera déterminant dans son désir de devenir lui aussi officier artilleur.

Après sept années d’humanités latines-scientifiques (1914-1921) à l’Athénée d’Ixelles, puis de Saint-Gilles, et une courte préparation intensive à l’Institut Michot-Mongenast, Albert Crahay est admis, le 20 octobre 1921, à l’Ecole Militaire en qualité d’élève de la 82e promotion artillerie et génie. Il y côtoie, parmi les « anciens », le prince Léopold, élève de la 66e promotion infanterie et cavalerie. Nommé élève sous-lieutenant le 25 décembre 1923, il est, à la sortie de l’Ecole d’Application le 4 août 1926, admis dans l’artillerie et désigné pour le 6e Régiment d’Artillerie à Bruxelles. Il est nommé lieutenant le 26 décembre 1926 et, le 21 février 1927, désigné pour suivre les cours d’officier téléphoniste signaleur. Du 11 septembre 1928 au 26 mars 1929, il est détaché au 15e Régiment d’Artillerie à Aix-la-Capelle, pour y exercer les fonctions d’instructeur au peloton spécial formant les candidats officiers de réserve. Il rejoint alors le 6A où il se voit confier les fonctions d’instructeur à la batterie école.

Le 8 juillet 1932, il est admis à l’Ecole de Guerre (58e division) d’où il sort breveté d’état-major le 21 août 1934. Après les stages réglementaires dans d’autres armes que la sienne, soit du 17 septembre 1934 au 23 juin 1935 au 1er Régiment de Grenadiers, puis, jusqu’au 9 juillet 1935, au 1er Régiment d’Aéronautique, le lieutenant BEM Crahay est, le 1er septembre 1935, désigné pour l’état-major du 1er Corps d’Armée où le service lui paraît dénué d’intérêt. Mais après un an, le 1er septembre 1936, il rejoint l’état-major général de l’armée comme officier-adjoint au chef de la 4e section (transport et ravitaillement). En cumul, il est chargé de cours suppléant du cours de services de l’arrière à l’Ecole de Guerre (à la date du 21 octobre 1936). Le capitaine BEM Crahay (nommé à ce grade le 26 décembre 1938) occupera ces fonctions, à l’état-major général, puis au Grand Quartier Général à partir du 14 janvier 1940 jusqu’à la capitulation de l’armée le 28 mai 1940. Il y occupa un poste d’observation privilégié qui nous vaudra, dans son ouvrage, L’armée belge entre les deux guerres, (Bruxelles, Louis Musin, 1978) une remarquable étude sur la logistique, domaine rarement exposé.

Resté par discipline auprès du chef d’état-major général, il est emmené en Allemagne le 16 juin 1940 et y subira alors cinq années de captivité comme prisonnier de guerre.

Rapatrié le 9 juin 1945, bénéficiant d’un congé de repos de trois mois, il est cependant, dès le 26 août 1945, mis provisoirement à la disposition du Quartier-Maître général, avant d’être désigné, le 1er octobre 1945, pour la direction générale des ravitaillements et evacuations – direction des ravitaillements et évacuations du matériel de guerre – au sein du ministère de la défense nationale reconstitué à Bruxelles.

Le major BEM Crahay (nommé à ce grade le 26 mars 1946), devient, le 20 janvier 1947, professeur à l’Ecole de Tactique de Toutes Armes, puis, le 16 septembre 1947, professeur du cours de tactique général à l’Ecole de Guerre.

Avec la guerre de Corée qui se déclenche le 25 juin 1950, la carrière de Crahay, classique et axée sur l’enseignement et la logistique, va prendre un tournant radical et une ampleur nouvelle. Dès que la Belgique décide d’y participer et que paraît, le 31 août 1950, l’ordre général relatif au recrutement des volontaires, le lieutenant-colonel BEM Crahay, qui vient d’être nommé à ce grade le 26 mars 1950 et doit prochainement prendre le commandement d’un régiment d’artillerie, se porte candidat. Le 4 novembre 1950, il est désigné pour le Corps de volontaires pour la Corée et en être le commandant. Il s’embarque le 1er décembre et débarque en Corée le 31 janvier 1951. Il commandera le bataillon belge durant près de dix mois et se distinguera lors de l’offensive chinoise du printemps déclenchée le 20 avril 1951. Ayant reçu mission de tenir, en front et en flanc, un secteur de la 29th Indépendant Brigade, son bataillon fut attaqué et encerclé et dut livrer de furieux combats. Ayant reçu l’ordre de retraite dans la nuit du 23 avril, mais constatent que les routes de repli prévues étaient toutes coupées, Crahay profita d’une accalmie temporaire dans la bataille pour organiser un regroupement de son unité, effectuer un audacieux repli latéral en franchissant la rivière Imjin et, après des détours ardus, rejoindre la Brigade le 24. Chargé ensuite de couvrir le déplacement de deux bataillons le long d’une route infestée d’ennemis, le lieutenant-colonel Crahay fut grièvement blessé le 25 avril au cours de cette action. Evacué immédiatement sur l’hôpital de Tokyo, il n’en sortit que le 27 juillet pour rejoindre son unité mais dut encore être hospitalisé du 16 septembre au 29 octobre 1951.

Le 15 novembre 1951, le lieutenant-colonel Crahay remet son commandement au lieutenant-colonel Norbert Cools. Il quitta le Corée le 25 novembre pour regagner la Belgique par avion via les Etats-Unis.

Tant son courage personnel que la façon dont il a exercé son commandement et que la manière dont il s’est intégré dans des unités multinationales lui valent, outre les félicitations de ses chefs, des distinctions honorifiques tant nationales qu’internationales : Commanderie de l’Ordre de Léopold II avec Palme, Croix de Guerre avec Palme, Distinguished Service Cross (USA), Legion of Merit Degree of Officer (USA), Silver Star Wha Rang Nokong (Korea).

Rentré en Belgique le 5 décembre 1951, Crahay reprend du service, le 15 janvier 1952, à l’état-major général (direction supérieure de la tactique et du planning), cette fois sous les ordres du lieutenant général Piron, avec qui ses relations ne sont pas particulièrement cordiales.

Nommé au grade de colonel le 26 septembre 1952, Crahay va, du 6 janvier au 23 juillet 1953, participer comme auditeur à une session du Collège de Défense OTAN à Paris.

A son retour à l’état-major général, désireux de satisfaire aux exigences légales en vue d’accéder au grade supérieur, Crahay demande en octobre 1953 d’exercer un commandement dans son arme, l’artillerie. Sa demande sera rejetée parce qu’on estime qu’il a largement rempli en Corée les obligations imposées par la loi.

Désireux cependant de quitter l’état-major général, Crahay se voit proposer par le ministre Spinoy une chaire à l’Ecole de Guerre en attendant d’y succéder, comme commandant, au colonel Dinjaert, qui exerce en cumul la fonction de chef de la maison militaire du roi. En conséquence, le 17 janvier 1955, Crahay est nommé chef de la chaire de tactique générale à l’Ecole de Guerre et six mois plus tard, le 11 juillet 1955, commandant de l’école, fonction qu’il exercera durant trois ans. Le 26 mars 1956, il est nommé général-major.

A la fin de sa période de commandement, Crahay est désigné, le 9 octobre 1958, pour commander en Allemagne la 16e division blindée. Il n’exercera cependant cette fonction que durant un an. En octobre 1959, en effet, le lieutenant général Cumont qui était à Fontainebleau chef d’état-major du commandent des forces terrestres alliées Centre-Europe (Landcent) a été rappelé à Bruxelles par le ministre Gilson, dans le cadre du conflit opposant le ministre au lieutenant général Jacques de Dixmude. Crahay est choisi pour lui succéder. Il est, à cette fin, commissionné au grade de lieutenant général le 3 novembre 1959, jour où il prend ses fonctions auprès du général Speidel.

Le lieutenant général Crahay (nommé à ce grade le 26 juin 1960) n’exercera cette fonction que durant une année. Le 17 novembre 1960, au mécontentement du général Speidel, il est choisi pour succéder au lieutenant général Berben comme commandant du 1er Corps d’Armée et des Forces Belges en Allemagne, accédant de la sorte au commandement national le plus élevé et le plus prestigieux qui puisse échoir à un général. Il exercera cette fonction jusqu’à ce que, atteint par la limite d’âge, il soit admis à la pension d’ancienneté à la date du 1er juillet 1964.

Les qualités et les compétences de l’homme font que le lieutenant général en retraite Crahay est choisi par le gouvernement de Théo Lefèvre pour devenir commissaire royal au problème de l’eau. L’arrêté royal du 16 février 1965 définit sa mission : « coordonner les études concernant le problème de l’eau à l’effet de pouvoir proposer au gouvernement les mesures propres à assurer la mobilisation des ressources (…et leur) utilisation rationnelle », et en fixe la durée : deux ans. Cette mission est prorogée d’un an à deux reprises et prend fin le 1er mars 1969, lorsque pour des raisons peu claires, le commissariat est supprimé à cette date.

Crahay poursuivra cependant ses activités dans le domaine de l’eau en acceptant, en mai 1969, la présidence d’un comité interministériel de l’eau (CIE), créé par arrêté royal du 16 mai 1969. Il l’exercera pendant quatre ans, jusqu’en juin 1983.

Crahay se consacrera alors à la rédaction et à la publication d’un nombre imposant d’ouvrages. Il était membre du Cercle Littéraire de Gand.

Ingénieur, artilleur ayant commandé un bataillon d’infanterie au combat, professeur et instructeur témoignant d’une culture générale et professionnelle toujours en éveil, ne se cantonnant pas dans la sphère militaire, ayant exercé dans l’armée et hors de l’armée d’éminentes fonctions, Albert Crahay appartient à l’élite de nos chefs militaires. Chef exigeant, piquant parfois des colères devant des exécutions imparfaites ou des décisions politiques jugées inadéquates, plutôt introverti mais sociable, sachant et aimant se détendre et se distraire, pratiquant un humour discret, s’affirmant protestant ainsi qu’en témoigne le service œcuménique qu’il a voulu pour ses funérailles.

Le titre de baron lui a été décerné le 13 février 1982.

 

Louis-François Vanderstraeten – Biographie Nationale.