de LANTSHEERE, Vicomte Théophile, C.-A.

Né à Asse, le 4 novembre 1833, décédé à Bruxelles, le 21 février 1918.

 

Ministre d'État.

Président de la Chambre des Représentants, 1884-1895.

Ministre de la Justice, 1871-1878.

Gouverneur de la Banque Nationale de Belgique, 1905-1918.

 

Grand Croix de l'Ordre de Léopold, Croix Civique 1re Classe, Médaille Commémorative du Règne de Léopold II.

Grand Croix de l'Ordre de la Couronne de Chêne de Luxembourg, de l'Ordre de l'Aigle Blanc de Russie, de l'Ordre de l'Aigle Rouge de Prusse, de l'Ordre du Double Dragon de Chine, de l'Ordre de la Villa Vicosa de Portugal, de l'Ordre du Lion et du Soleil de Perse, de l'Ordre de la Couronne de Roumanie, de l'Ordre Pontificial du Pie et de l'Ordre du Mérite Civil de Bulgarie.

 

 

de LANTSHEERE, Théophile-Charles-André, Vicomte, avocat, homme politique, banquier, né à Asse le 4 novembre 1833, décédé à Bruxelles le 21 février 1918.

Après avoir fait ses humanités au petit séminaire de Malines, puis au Collège des Jésuites à Alost, il conquit successivement à l’Université de Louvain, dont il fut un très brillant élève, le doctorat en droit et le doctorat en sciences politique et administratives.

Il fut inscrit au tableau de l’ordre de la Cour d’Appel de Bruxelles en 1858. On l’y distingua rapidement pour la clarté de ses exposés, la netteté de sa pensée, la rectitude de son jugement, son esprit d’indépendance et un sentiment profond de l’équité. Il fut le conseil des familles de Ligne et d’Arenberg. Il aimait profondément le barreau, et ne le quitta, après avoir été élevé à la dignité de bâtonnier de l’Ordre en 1877, qu’au moment où, chargé de travaux et de dignités, il put confier son cabinet à son fils aîné.

De bonne heure il consacra une grande partie de son activité à la vie publique. En 1860, à vingt-sept ans, il fut élu conseiller provincial pour le canton d’Asse et assuma le rôle de chef de la droite, qu’il confia à son frère quand Malou le choisit comme titulaire du portefeuille de la justice dans le « ministère de l’immaculée conception », qui succéda au cabinet d’Anethan, en décembre 1871. Il avait trente-sept ans, n’était pas parlementaire, mais s’affirma immédiatement supérieur, au cours des débats, à beaucoup de vieux routiers du Parlement.

Il occupa son fauteuil ministériel jusqu’en 1878 et attacha son nom à l’élaboration et au vote de nombreuses et importantes lois. Il fit réviser le code de commerce, modifia la loi sur les protêts, inscrivit dans notre législation des dispositions protectrices en faveur des aliénés. Avant 1872, un Flamand pouvait être jugé et condamné, même en Cour d’Assises, sans avoir compris un mot aux débats ; de Lantsheere, qui était bon Flamand, grand ami du lutteur infatigable qui fut le poète Emmanuel Hiel, fit disparaître cette iniquité par la loi sur l’emploi des langues en matière répressive. Il codifia les dispositions du domicile de secours, fit voter la loi sur la détention préventive, sur les extraditions, sur les coopératives, sur le port d’armes, sur la division des chambres de la Cour d’Appel en sections pour le jugement des affaires électorales, sur la révision des codes de procédure civile et pénale. En toutes circonstances il fit une politique d’affaires pratique et sage, conforme à son tempérament. Il fut mêlé à un grand nombre de débats et répondit à des interpellations qui eurent du retentissement, entre autres celles relatives à l’enterrement de l’évêque de Tournai dans sa cathédrale, aux abus des visites corporelles, à l’enterrement de Léopold Ier dans la crypte de Laeken.

Le 11 juin 1872, l’arrondissement de Dixmude, s’inspirant du sens profond de l’article 131 de la Constitution , l’élut comme son représentant à la Chambre. Celle-ci lui confia d’abord une vice-présidence le 23 juillet 1884 et ensuite la présidence, du 12 novembre 1884 jusqu’au 30 janvier 1895, date à laquelle il démissionna à la suite d’un incident de séance provoqué par le parti socialiste. Le 15 juin 1900, après avoir renoncé à la Chambre et été nommé Ministre d’Etat, il devint sénateur provincial, élu par le conseil provincial de Flandre Occidentale pour l’arrondissement d’Ostende-Furnes, et quitta la Haute Assemblée en 1905 lorsqu’il devint gouverneur de la Banque Nationale , fonctions qui, depuis 1900, excluaient tout mandat législatif.

Très dévoué à ses électeurs, il se rendit régulièrement dans son arrondissement dont il défendit les intérêts avec vigueur, admiré là-bas comme dans la capitale pour son souci d’impartialité et son bon sens lumineux.

Tel il s’était montré ministre, tel il se montra pendant sa longue carrière dans les assemblées législatives, une haute et noble figure qui mérita le surnom pittoresque et significatif de « Nestor de la droite ». Très jaloux de son autorité, il apportait une certaine coquetterie à mettre la minorité à l’abri des coups de force auxquels les majorités se laissent entraîner si facilement. Sa grande autorité lui permit notamment de rendre de grands services au souverain de l’Etat Indépendant du Congo à des moments cruciaux pour l’avenir de celui-ci qui n’intéressait alors que très peu de ses collègues. Cela ne l’empêcha pas, d’ailleurs, de s’opposer, avec Beernaert, au projet de loi relatif à la Donation Royale de 1900, qui ne fut voté, sous une autre forme, que le 31 décembre 1903.

Il avait été appelé à la direction de la Banque Nationale le 19 mai 1890, peu après le baron de Moreau d’Andoy, allié à la veille noblesse wallonne et à la jeune aristocratie industrielle, comme lui parlementaire et ancien ministre, et peu avant Victor Allard, formé aux traditions de la maison Allard, qui fonda et dirigea plusieurs maisons de banque en Belgique et à l’étranger. A eux trois ils constituèrent le premier contingent de catholiques faisant partie du conseil d’administration depuis la création de la Banque. Il fit preuve d’une grande pondération, se préoccupa de la situation du personnel, de l’application des lois linguistiques et joua une rôle important lors du renouvellement du privilège de la Banque Nationale en 1900 ; il y eut alors des débats passionnés à la Chambre , le parti socialiste, avec Hector Denis et Emile Vandervelde, s’efforçant de nationaliser la banque centrale.

Théophile de Lantsheere, nommé vice-gouverneur le 7 novembre 1899, succéda au gouverneur van Hoegaerden le 27 juin 1905 et se trouva immédiatement aux prises avec de multiples problèmes monétaires et de crédit qui prirent une telle acuité qu’on entreprit une révision fondamentale des principes sur lesquels reposait la politique traditionnelle de l’institut d’émission, révision que la guerre interrompit.

Peu avant celle-ci, le roi Albert accordait motu proprio à Théophile de Lantsheere concession de noblesse à titre héréditaire par voie de primogéniture masculine et le titre de vicomte que, modeste, il n’avait pas voulu accepter jusqu’alors.

L’invasion allemande accabla plus que d’autres sans doute le gouverneur de Lantsheere qui, plus qui l’immense majorité des Belges, avait foi dans la parole donnée et confiance dans les engagements internationaux.

L’occupant manifesta immédiatement l’intention de mettre la main sur l’or et les avoirs et devises de la Banque Nationale , sur les billets et les clichés évacués, mais se heurta à la résistance inébranlable du gouverneur et de ses collègues. Cette lutte aboutit, le 22 décembre 1914, au retrait du privilège d’émission ainsi qu’à la révocation du gouverneur. Dès lors il resta confiné dans son hôtel. L’occupant n’avait pas osé prendre d’autres sanctions contre un des rares Ministres d’Etat restés au pays, qui ne cessa pas pour autant de résister à l’occupant et signa de nombreuses protestations avec le cardinal Mercier, le comte Woeste, De Volder et d’autres personnalités de premier plan. Théophile de Lantsheere s’éteignit à l’âge de quatre-vingt-cinq ans, accablé de soucis et de misères familiales.

 

P. Kauch – Biographie Nationale.

 

Bruxelles, Palais de la Nation.