d'OULTREMONT, Comte Charles, John.

Né à Bruxelles, le 2 mai 1848, y décédé, le 17 décembre 1917.

 

Grand Maréchal Honoraire de la Cour du Roi Albert I, 1909-1910.

Grand Maréchal Honoraire de la Cour du Roi Léopold II, 1889-1909.

Capitaine de Cavalerie.

 

Grand Croix de l'Ordre de Léopold, Croix Spéciale de la Maison du Roi Léopold II, Croix Civique 1re Classe, Médaille Commémorative du Règne de Léopold II.

Collier de l'Ordre du Tour et de l'Épée de Portugal, Grand Croix, avec Brilliants, de l'Ordre de l'Aigle Rouge de Prusse, Grand Croix de l'Ordre de la Couronne de Prusse, de l'Ordre Royal de Victoria de Grande-Bretagne, de l'Ordre d'Adolphe de Nassau et de l'Ordre de la Couronne de Chêne de Luxembourg, de l'Ordre de Léopold et de l'Ordre de la Couronne de Fer d'Autriche, de l'Ordre de Saint-Michel et de l'Ordre de la Couronne de Bavière, de l'Ordre du Double Dragon de Chine, de l'Ordre du Soleil Levant de Japon, de l'Ordre de l'Éléphant Blanc de Siam, de l'Ordre de la Branche Ernestine et de l'Ordre d'Albert le Valeureux de Saxe, de l'Ordre de l'Étoile Polaire de Suède, de l'Ordre du Danebrog de Danemark, de l'Ordre de l'Étoile et de l'Ordre de la Couronne de Roumanie, de l'Ordre de Saint-Stanislas de Russie et de l'Ordre de la Couronne d'Italie, Grand Officier de l'Ordre de la Légion d'Honneur de France, Commandeur d'Honneur de l'Ordre Princier de Hohenzollern, Commandeur de l'Ordre de Charles III d'Espagne, Officier de l'Ordre de la Lion d'Or de la Maison de Nassau Luxembourg, de l'Ordre de Saint-Etienne de Hongrie et de l'Ordre du Wasa de Suède, Chevalier de l'Ordre de Saint-Stéphane d'Autriche, Médaille du Règne de la Reine Victoria Grande-Bretagne.

 

 

d’OULTREMONT, Comte Charles-Jean, dit John, Grand Maréchal de la Cour, Bruxelles 2.05.1848 – Bruxelles, 23.12.1917.

Cadet de la branche cadette d’une famille dont les titres remontent au Saint-Empire, John d’Oultremont, entré à l’Ecole Militaire en 1865, en sortait sous-lieutenant en 1867. Il quitta l’armée en 1889, capitaine commandant de cavalerie depuis 1885. Mais, entré à la Cour en qualité d’officier ordonnance du Roi, il y demeurera, exemplairement fidèle, jusqu’à la mort de son auguste maître, successivement adjudant du Palais, maréchal de la Cour, puis, à la mort du Comte van der Straten-Ponthoz que le Souverain avait retenu des dignitaires de la Cour du premier de nos Rois, grand maréchal de la Cour. Il venait d’épouser (30 juillet 1881) une comtesse de Mérode, de mère née Rochechouart-Mortemart, et, à cette occasion, le Roi avait tenu à meubler son hôtel.

Peu de membres des maisons civiles et militaires de Léopold II furent admis à une aussi familière et souriante collaboration avec lui que le grand maréchal comte John d’Oultremont. Le Roi appelait par son prénom anglais qui n’était qu’un surnom, le tutoyait le plus souvent, et l’on a rappelé qu’à de fréquentes reprises, sorti, à l’insu de tous, des jardins du Palais et traversant dans l’obscurité l’étroite rue Bréderode où son administration congolaise avait son siège, le Roi se rendait dans le vieil hôtel de son cher et fidèle serviteur pour de secrètes et efficaces conférences avec lui. Et l’un des membres du cabinet du Roi qui furent les témoins de l’amitié paternelle du Souverain pour le grand maréchal, atteste que celui-ci fut un des collaborateurs efficients du grand Roi.

Il n’est pas étonnant qu’à de nombreuses reprises cette collaboration avec le fondateur de l’Etat Indépendant du Congo ait porté sur ces accomplissements africains qui furent le beau souci du prince. Il nous appartient de relever ici les diverses circonstances où le grand maréchal eut un rôle à jouer dans le drame où s’était engagé le Souverain ou dans les comédies qui en amollissaient par moment la rigueur. C’est à ce « cher enfant » de John qu’à son petit lever, un beau matin de 1882, le grand animateur de l’Association Internationale Africaine, mis en demeure par Gordon de le couvrir éventuellement d’un pavillon reconnu par les puissances, fit savoir qu’il venait, au cours d’une insomnie ou d’un rêve éveillé, de découvrir le motif central de son drapeau. Il aurait son étoile pour lui, assurait-il. Ses vues étaient action. C’est un drapeau d’azur étoilé d’or en son mitan que les puissances reconnurent en 1884.

Mais c’est aussi à John qu’est confiée la tâche d’aller bien vite à Londres pour y intéresser quelques gros financiers, les uns anglais d’autres américains, à un emprunt qui doit permettre d’entreprendre le chemin de fer sans lequel, à en croire Stanley, le bassin du Congo ne vaut pas un farthing. Dans une lettre à Beernaert, le Souverain constate que c’est vraiment le comte d’Oultremont qui a conduit les négociations et recueilli les souscriptions et approuvé l’entrée de ce bon dignitaire de sa maison dans le Conseil d’Administration de la Compagnie du Chemin de Fer du Congo. Effectivement, le comte fera partie du Conseil d’Administration de la F.C.F.C. et de celui de la société-sœur qu’est la S.A.B. pour le Commerce du Haut-Congo, jusqu’en juin 1904, date a laquelle, comme aussi Goffinet, il renoncera à ces mandats à raison d’un procès intenté à l’Etat Indépendant du Congo.

Le 19 juillet 1890, c’est le grand maréchal comte John d’Oultremont qui accueillit, à sa descente du train de Paris à la gare de Bruxelles-midi, l’illustre découvreur du Bassin du Congo que le capitaine Reyntjens, de la maison militaire du Roi, et le lieutenant Liebrechts avaient été chercher à la frontière, avec Buls et les échevins de la capitale. On a écrit que Stanley, que Paris avait reçu froidement, en se voyant rendre les honneurs par la garde civique bruxelloise, n’en pouvait croire ses yeux. Le grand maréchal, poursuit à ce sujet un historien des mieux documenté mais que son comportement sous l’occupation allemande du pays en 1940-1944 a condamné au silence, pria l’explorateur de monter dans une voiture des équipages du Roi, qui le conduisit directement au Palais où les appartements dits « impériaux » lui avaient été préparés par ordre de Sa Majesté.

Comme il s’était intéressé à l’aménagement économique du Bas-Congo, le grand maréchal de la Cour s’était aussi intéressé à l’aménagement économique du Katanga. Il avait été partie, le 12 mars 1891, à la convention signée par les représentants de l’Etat Indépendant et quelques souscripteurs relevant du secteur privé, convention qui conférerait l’être de droit à la Compagnie du Katanga. Il était appelé, le 15 avril suivant, aux fonctions d’administrateur de la nouvelle société. Et quand, en 1893, les milieux coloniaux belges se préoccupèrent, pour répondre à un vœu du Roi, de ménager aux explorateurs du Katanga une réception dont il a été fort bien dit qu’elle serait en quelque sorte une première semaine coloniale dans le pays, le comte d’Oultremont figura tout naturellement parmi les membres de la commission constituée par Thys à cette fin, sous le patronage du bourgmestre de Bruxelles Charles Buls et des bourgmestres des huit autres chefs-lieux de province du pays. On sait que le retour de la mission Bia Coïncida avec les émeutes boraines d’avril 1893. Les fêtes projetées eurent néanmoins lieu.

En 1900 déjà, le Roi fit donation de biens considérables sis les uns à Laeken, à Tervuren et à Forest, les autres à Ostende, à Ardenne ou ailleurs, au pays qu’il voulait servir jusqu’outre tombe. Il conçut pour l’administration de cette donation des aménagements d’une juridicité un peu inattendue et qui ne furent légalement consacrés que le 31 décembre 1903. Le grand maréchal fut porté en tête de la liste des cinq membres du comité d’administration de la Donation Royale.

Mais, si ample et si riche en approfondissements possibles que fût l’entreprise congolaise du Roi, elle ne pouvait suffire à peupler le destin dont il avait rêvé, dès le temps de sa jeunesse, pour un peuple à l’étroit dans ses strictes frontières. Aussi fermement convaincu que l’avait été avant lui son père, de la nécessité d’une expansion hors frontières de notre économie, résigné, après Fachoda, à ne point annexer le bassin du Haut Nil, il résolut d’amener le capitalisme belge à s’installer résolument à l’étranger. Dans cette nouvelle entreprise où la connaissance des hommes et le sens des nuances étaient particulièrement nécessaires, le grand maréchal de la Cour était des mieux à même d’aider le Souverain. Non point par sa naissance. L’ancienne noblesse belge n’a rien ou presque rien de cet esprit d’aventure dans l’ordre économique auquel doit faire appel le grand dessein du Roi. Mais le grand maréchal, et c’est un historien parfaitement titré qui l’a fait observer, a un talent tout particulier pour réunir autour du Souverain des personnalités représentatives de tous les groupes sociaux et pour étendre de plus en plus des invitations qui ne sont jamais faites au hasard, aux milieux créateurs de richesses du pays. Il fournit à son maître les plus belles occasions qui se puissent rêver de séduire à l’envi quiconque le peut servir. Le Roi, d’ailleurs, avait lui-même plaisir, ajoute notre historien, à récompenser les services rendus à la collectivité par les hommes d’affaires en leur conférant ordres de chevalerie et titres de noblesse. A vrai dire, la noblesse ancienne le lui reprochait. Mais il n’en avait cure et l’on pourrait citer ici des anecdotes qui le prouvent surabondamment… et dans lesquelles il semble que le grand maréchal a parfois mis son grain de sel. C’est sans doute à la collaboration du Souverain et d’un serviteur aussi perspicace et aussi délié que le grand maréchal, que la Belgique doit les accomplissements de ses ingénieurs, de ses urbanistes et de ses « barons » de finance en Chine, en Egypte et ailleurs aussi bien qu’au Congo.

Cette collaboration de plus d’un quart de siècle avait établi entre les deux collaborateurs une assez haute intimité pour que l’aîné pût demander à son cadet de l’avertir à temps de l’approche du « maître-jour ». C’est pourquoi le vieux Roi, après avoir reçu les derniers sacrements des mains du Curé de Laeken, et accueilli l’héritier du trône et les princesses Elisabeth et Clémentine, remercia le grand maréchal de la Cour en pleurs et à genoux, précise un historien, au pied de la chaise-longue, des services qu’il lui avait rendus. Le Roi s’éteignit le 17 décembre 1909 à 2 heures 37 du matin, des suites d’une embolie. C’est alors le comte John d’Oultremont qui eut à informer de la mort de son maître, le ministre de la justice Léon de Lantsheere, qui vint au Pavillon des Palmiers du Domaine de Laeken, dresser acte du décès.

Remplacé auprès du Roi Albert par le comte de Patoul qui avait été son bras droit dans ses hautes fonctions auprès de Léopold II, le comte d’Oultremont garda le titre honorifique de ses fonctions.

Pris comme otage par les Allemands lors de la première guerre mondiale, le comte John d’Oultremont fut interné au camp de Holzminden. Libéré, il mourut des suites des privations qui lui avaient été imposées.

 

J.-M. Jadot – Biographie Coloniale Belge.