de MERODE, Comte Félix, P.-B.-O.-G.
Né à Maastricht, le 13 avril 1791, décédé à Bruxelles, le 7 février 1857.
Ministre d'État.
Membre du Gouvernement Provisoire et du Congrès National.
Ministre des Finances, 1839.
Ministre des Affaires Étrangères, 1833-1834.
Ministre de la Guerre, 1832 a.i.
Membre de la Chambre des Représentants.
Grand Cordon de l'Ordre de Léopold, Croix de Fer 1830.
Grand Croix de l'Ordre Pontificial de Saint-Grégoire le Grand et de l'Ordre du Christ de Portugal, Officier de la Légion d'Honneur de France.
de
MERODE, Félix-Philippe-Balthasar-Otton-Ghislain, Comte, homme d’état et écrivain,
naquit le 13 avril 1791, à Maastricht, où sa famille avait droit de
bourgeoisie, et mourut à Bruxelles, le 7 février 1857.
Le
Comte Félix de Merode était le deuxième fils de Charles de Merode et de Marie
d’Ongnyes de Mastaing. Ses premières années passèrent en Allemagne, où son
père avait émigré lors de l’occupation des Pays-Bas par les Français et
d’où il ne revint qu’en 1800, après l’établissement du consulat. En
1809, à peigne âgé de dix-huit ans, le comte Félix épousa, au château de
Villersexel, en Franche-Comté, Rosalie de Grammont, fils du marquis de Grammont
et nièce de
C’est
en 1828 seulement qu’il commença à se faire connaître, en développant ses
idées dans une brochure dont le titre, original dans sa longueur, révèle
suffisamment la tendance et le but : Les
Jésuites,
Félix
de Merode était donc, selon l’expression de De Potter – que le comte alla
voir en prison, après sa condamnation – « un catholique très libéral
et indépendant d’opinion ».
La
mort de son père, Charles de Merode, survenue le 18 février 1830, et la
liquidation de la succession paternelle avaient appelé et retenu le comte à
Bruxelles quand commercèrent les troubles de
Parti
le 29 août, il rentra à Bruxelles avec la députation, le 1er
septembre. Le 8, il fut nommé membre de
Aussitôt,
il se résolut à rentrer dans Bruxelles ; le 26, il prenait place au
Gouvernement Provisoire et son nom figurait au bas de la proclamation annonçant
la formation du nouveau pouvoir. Le concours de Félix de Merode, l’héritier
d’un grand nom et d’une maison illustre, fut aussi précieux au Gouvernement
Provisoire que la présence de son frère Frédéric fut stimulante, électrisante,
dans les rangs des volontaires qui se battaient contre l’ennemi. En voyant cet
homme de bien jouer sa tête, sa fortune et la grande existence de sa famille,
on comprit, à l’étranger surtout, qu’il s’agissait, non d’une émeute,
mais d’un mouvement national ; et c’est à ce titre particulièrement
que le comte Félix, comme le comte Frédéric, a mérité d’être regardé
comme l’un des principaux fondateurs de notre indépendance.
Du
26 septembre au 10 novembre 1830, date de la réunion du Congrès National, le
comte siégea au Gouvernement Provisoire et fit partie du Comité Central
organisé au sein de ce gouvernement et chargé du pouvoir exécutif. Il
s’associa à toutes les mesures libérales et démocratiques qui réalisèrent
le programme de l’union de 1828, conclue entre les catholiques et les libéraux.
Sur un point capital, il se trouva en opposition avec son collègue De Potter :
ce dernier était d’avis que le Gouvernement Provisoire devait frapper juste,
fort et vite, particulièrement contre les partisans de la dynastie déchue et
contre cette dynastie elle-même, dont il voulait faire prononcer sans retard la
déchéance. Il soutenait que le Gouvernement Provisoire, « antérieur et,
sinon supérieur, du moins indépendant du Congrès », avait qualité pour
résoudre toutes les questions fondamentales, ne laissant au Congrès que la
mission de les ratifier au nom de la nation. Le comte de Merode ne partageait
pas cette manière de voir : il se refusait à empiéter sur les
attributions du Congrès et entendait laisser à ce dernier la tâche de se
prononcer sur les destinées de la nation, même au point de vue dynastique.
L’opinion
du comte de Merode prévalut et De Potter resta seul de son avis, en taxant son
collègue « d’inerte modérantisme ». Les élections pour le Congrès
furent fixées au 27 octobre, et Félix de Merode fut élu par trois districts,
ceux de Bruxelles, de Maastricht et de Malines. Il opta pour Maastricht, sa
ville natale. Son frère comte Werner fut nommé député par le district de
Soignies. Trois jours auparavant, son frère puîné Frédéric était tombé à
Berchem et succombait le 3 novembre, à Malines, aux suites de sa terrible
blessure, au moment où tous les regards se tournaient vers lui comme vers le
futur chef d’état. L’héroïsme du comte Frédéric, le dévouement du
comte Félix avaient en effet fixé l’attention sur la maison de Merode ;
et, après la mort de Frédéric, un grand nombre de patriotes, une foule
d’hommes influents avaient pensé à reporter sur son frère les espérances
que l’on avait mises en l’illustre victime de Berchem. On parlait déjà à
l’étranger de l’élévation probable de Félix de Merode au trône de
Belgique. Mais le comte, à l’exemple de Frédéric qui avait repoussé avec
énergie l’éventualité des honneurs royaux, ne faisait rien pour encourager
ces dispositions à son égard.
Le
Congrès s’ouvrit le 10 novembre. Il n’entre pas dans notre sujet d’en
rappeler les mémorables discussions. Le comte de Merode, député au Congrès,
resta membre du pouvoir exécutif, le Congrès ayant décidé en effet, après
avoir voté des remerciements au Gouvernement Provisoire, que la puissance exécutive
serait remise aux membres qui composaient ce gouvernement. Après le vote
unanime proclamant l’indépendance du pays, il s’associa à la majorité qui
se prononça en faveur de la monarchie constitutionnelle représentative et qui
décréta l’exclusion perpétuelle des membres de la famille d’Orange-Nassau
de tout pouvoir en Belgique. En janvier 1831, se posa la grave question du choix
du futur chef d’état. Avec tous ses collègues du Gouvernement Provisoire, il
soutint d’abord la candidature du prince Othon de Bavière ; puis, quand
cette candidature, peu sympathique à la majorité du Congrès, eut été
abandonnée, il fut un des cinquante-trois députés qui proposèrent l’élection
du duc de Nemours, laquelle fut votée à la majorité d’une voix.
Le
comte de Merode fit partie de la députation chargée, le 4 février, d’aller
à Paris annoncer à Louis-Philippe l’élévation de son fils au trône de
Belgique. Le roi de France ayant refusé la couronne pour le duc de Nemours, le
Congrès résolut de confier temporairement le pouvoir exécutif à un régent.
L’élection
eut lieu dans la séance du 24 février. Le baron Surlet de Chokier, président
du Congrès, obtint cent huit suffrages, le comte de Merode quarante-trois et le
baron de Gerlache cinq. « Le comte Félix de Merode – assure un
contemporain bien informé – peu ambitieux de l’honneur qu’on voulait lui
conférer, n’avait fait aucun effort pour assurer son élection, laquelle
aurait probablement eu lieu, s’il l’avait voulu ».
Le
régent installé, le rôle du Gouvernement Provisoire était terminé, et pour
la seconde fois ses membres déposèrent l’autorité dont ils avaient été
investis. Le Congrès décréta, par acclamation, que le Gouvernement Provisoire
avait bien mérité de la patrie et alloua à ses membres, à titre récompense
nationale, une indemnité de 150.000 florins. Le comte de Merode n’accepta sa
part que pour la transmettre immédiatement à la commission chargée d’élever.
Sur la place Saint-Michel, un monument aux victimes des journées de septembre.
Ajoutons en passant qu’il contribua dans la suite, pour une grande part, aux
frais de l’érection de la statue de Godefroid de Bouillon.
De
février à juillet 1831, pendant les cinq mois que dura la régence, l’élection
d’un chef définitif de l’état resta le premier besoin de la situation. Le
20 avril, une députation composée du comte Félix de Merode, de l’abbé de
Foere, du comte Hippolyte Vilain XIIII et de Henri de Brouckere fut envoyée à
Londres, afin de sonder les dispositions du prince Léopold de Saxe-Cobourg et
les intentions, à l’égard de ce candidat éventuel, des ministres anglais et
des membres de la conférence : l’envoi de cette commission avait pour
principe de ne plus exposer le pays à l’humiliation d’un deuxième refus de
la couronne ; quant à sa composition, elle était significative,
puisqu’on y voyait un des chefs de la noblesse catholique et un membre même
du clergé, se rendant auprès d’un prince luthérien avec la mission de
l’engager à accepter la couronne de Belgique. Un seul catholique marquant,
dans une lettre rendue publique, éleva la voix pour faire entendre une
protestation, et ce catholique était un ami intime de Félix de Merode, le
comte de Robiano de Borsbeek. Le comte de Merode s’empressa d’adresser de
Londres, aux rédacteurs du Courrier des
Pays-Bas, une répouse explicative et justificative de sa démarche, réponse
qu’il est intéressant de lire dans le numéro du 7 mai de ce journal. Les députés
du régent revinrent à Bruxelles, le 8 mai ; ils n’avaient pas obtenu du
prince Léopold une acceptation définitive, mais ils rapportaient l’espoir
fondé qu’il se rendrait aux vœux des Belges, lorsque le dissentiment qui
s’était élevé entre le Congrès et la conférence de Londres au sujet des
limites du territoire serait aplani. Le prince Léopold fut proclamé roi des
Belges, et de nouveau le comte de Merode fut désigné pour faire partie de la députation
envoyée à Londres, pour présenter au prince Léopold le décret de
l’assemblée. Léopold ayant accepté la couronne à la condition que le Congrès
souscrirait aux dix-huit articles. Félix de Merode, de retour à Bruxelles, fut
un de ceux qui conseillèrent l’adoption des stipulations que la conférence
elle-même avait qualifiées de préliminaires de paix. Deux fois, il prit la
parole au Congrès pour obtenir le vote de ces préliminaires, quoiqu’il lui
en coûtât de replacer sous la domination hollandaise les Limbourgeois et les
Luxembourgeois qui, dès le premier jour, s’étaient levés pour la défense
de la cause nationale. Les dix-huit articles adoptés, le comte de Merode
reparut une troisième fois à Londres, le 11 juillet, en qualité de membre de
la députation chargée d’annoncer au prince Léopold le vote définitif et de
l’inviter à se rendre en Belgique.
Après
l’installation de la royauté, et lorsqu’un arrêté du 29 août convoqua
les collègues électoraux pour former la première législature, Bruxelles et
Nivelles envoyèrent en même temps le comte Félix de Merode à
Il
serait trop long de rappeler les votes émis et les discours prononcés par le député
de Nivelles au cours d’une carrière parlementaire de vingt-quatre années.
Nous nous bornerons à noter les faits saillants de sa vie politique.
Il
fit partie de la majorité qui vota, le 1er novembre, le fameux traité
des vingt-quatre articles, qui enlevait à
Peu
de jours après, répondant à un nouvel appel du roi à son dévouement, il
donnait, en sa qualité de ministre d’état et membre du conseil, la signature
constitutionnellement nécessaire pour valider la nomination du général Goblet
au portefeuille des affaires étrangères. Le 26 décembre, vint devant
En
1838, surgit le mémorable débat auquel le comte de Merode devait prendre la
part la plus active. On sait que, le 11 mars de cette année, au grand étonnement
général, le roi Guillaume fit notifier à la conférence de Londres son adhésion
aux vingt-quatre articles de 1831. Sept années s’étaient écoulées depuis
que le comte de Merode avait parlé et voté en faveur de l’adoption de ces
stipulations. Quelle allait être son attitude ? Pouvait-il, sans se mettre
en contradiction avec lui-même, combattre en 1838 la cession à
Le
31 janvier, il assista au conseil des ministres, tenu sous la présidence du
roi. Les ministres de la justice et des finances émirent l’avis que le
gouvernement devait déclarer aux Chambres qu’il repousserait l’ultimatum
jusqu’au jour où il se trouverait en présence d’une force majeure ;
n’ayant pu faire prévaloir leur opinion, ils donnèrent leur démission. Félix
de Merode, moins intraitable ce jour-là, avait déposé une proposition
transactionnelle : c’était de déclarer que
Le
19 mars, ce projet fut voté malgré l’opposition de Félix de Merode, qui
prit deux fois la parole dans la discussion publique, et celle de quarante-deux
autres représentants, parmi lesquels son Frère-Orban. Des milliers de
citoyens, approbateurs de la conduite tenue par le comte Félix, voulurent lui témoigner
leur profonde estime en faisant frapper en son honneur une médaille portant,
d’un côté, l’effigie du député, de l’autre, cette belle et généreuse
pensée. Extraite de sa lettre à lord Palmerston : « Les diplomates
ne peuvent-ils désormais consulter aussi les besoins, les sympathies de
l’homme, de l’être raisonnable créé à l’image de Dieu ? »
Désormais
réduit au rôle de simple député, le part active qu’il prit à toutes les
discussions importantes de
Le
comte Félix de Merode mourut à Bruxelles, le 7 février 1857, et fut inhumé
cinq jours après à Rixensart, lieu de sépulture des comtes de Merode. On lui
fit des funérailles nationales :
Eug.
Duchesne – Biographie Nationale.