HYMANS, Paul.

Né à Bruxelles, le 23 mars 1865, décédé à Nice, le 8 mars 1941.

 

Ministre d'État.

Premier Ministre, 1927-1931.

Ministre des Affaires Étrangères, 1918-1920, 1924-1925, 1927-1935.

Ministre de la Justice, 1926-1927.

Ministre des Affaires Économiques, 1917-1918.

Membre de la Chambre des Représentants.

Premier Plénipotentiaire de la Belgique à la Conférence de la Paix à Versailles.

Envoyé Extraordinaire et Ministre Plénipotentiaire à Londres, 1915-1917.

Membre de l'Académie Royale de Belgique.

 

Grand Croix de l'Ordre de Léopold et de l'Ordre de la Couronne, Croix Civique de 1re Classe, Médaille de la Restauration Nationale, Médaille Commémorative du Règne de Léopold II, Médaille Commémorative du Centenaire.

Grand Croix de l'Ordre des SS. Michel et George de Grande-Bretagne, de l'Ordre des SS. Maurice et Lazare d'Italie, de l'Ordre Pontificial de Saint-Grégoire le Grand, de l'Ordre d'Adolphe de Nassau de Luxembourg, de l'Ordre du Condor des Andes de Bolivie, de l'Ordre du Libérateur de Vénézuéla, de l'Ordre des Troix Étoiles de Lettonie, de l'Ordre de l'Aigle Blanc de Serbie, de l'Ordre de l'Aigle Blanc de Pologne, de l'Ordre du Soleil Levant de Japon, de l'Ordre de la Rose Blanche de Finlande, de l'Ordre du Lion Néerlandais, de l'Ordre du Danebrog de Danemark, de l'Ordre de Mohammed Ali d'Egypt, de l'Ordre de l'Étoile de Roumanie, de l'Ordre de Saint-Etienne de Hongrie, de l'Ordre de la Légion d'Honneur de France, de l'Ordre de l'Étoile d'Éthiopie, de l'Ordre du Skanderbeg d'Albanie, de l'Ordre du Faucon de l'Islande, de l'Ordre de Saint-Olaf de Norvège, de l'Ordre de Danilo de Montenegro, de l'Ordre du Christ de Portugal, de l'Ordre de Boyaca de Colombie, de l'Ordre de Charles III d'Espagne, de l'Ordre du Soleil de Pérou et de l'Ordre du Wasa de Suède, Grand Officier de l'Ordre de la Couronne de Perse.

 

 

HYMANS, Paul, homme d’état, né à Ixelles le 23 mars 1865, décédé à Nice le 6 mars 1941.

Sa mère, née de l’Escaille, était une grande dame, son père, Louis Hymans, un haut bourgeois libéral d’origine hollandaise, un aristocrate de l’esprit. La sollicitude affectueuse de parents aussi distingués lui valut une éducation raffinée et une enfance exceptionnellement heureuse qui allait donner à toute sa vie un bel élan d’optimisme.

Poète, romancier, historien, journaliste et parlementaire, Louis Hymans forma personnellement son fils au goût des lettres et aux armes de la politique. Mme Louis Hymans, âme pieuse de croyance protestante, le marqua d’une forte empreinte religieuse qui, à l’exemple de Renan, devait orienter sa philosophie vers un spiritualisme chrétien affranchi des dogmes et inspiré d’un idéal de noble tolérance.

Paul Hymans fit de brillantes études de droit à l’Université de Bruxelles et ses talents précoces semblaient le destiner à la carrière du barreau quand la mort soudaine de son père l’obligea, à 19 ans et sans fortune, de chercher un état. Nommé bibliothécaire adjoint du parlement, ses fonctions lui permirent de compléter sa formation universitaire, de pénétrer l’histoire de nos institutions et d’étendre considérablement le champ de ses connaissances générales.

Ces années studieuses, dans le recueillement d’un vaste cabinet de lecture et de documentation, au contact constant de parlementaires de haute valeur intellectuelle, furent pour lui la meilleure école de sciences politiques et administratives. Il continua l’œuvre de son père : l’Histoire Parlementaire de la Belgique , avec la collaboration d’A. Delacroix ; il ajouta un troisième volume à l’Histoire de Bruxelles à travers les âges, en collaboration avec son oncle Henri Hymans ; il publia une édition nouvelle du Manuel Parlementaire, sous la direction de Jules Malou, et composa un docte cours d’histoire parlementaire et législative comparée, dont il fut chargé à l’école des sciences politiques et sociales nouvellement instituée à l’Université de Bruxelles (1897). Il succéda également à son père comme correspondant politique du journal La Meuse et comme chroniqueur judiciaire à l’Indépendance Belge ; avec son ami Adolphe Max, il devint le rédacteur de la Liberté. Il fit un stage au barreau, chez Me Van Dievoet, un avocat d’affaires qui avait, dira-t-il, « l’esprit juste et clair, le sens de l’équité et de la mesure ». Nouvelle école. Lié d’amitié avec Adolphe Prins, l’éminent criminologiste, il approfondit l’étude de l’anthropologie criminelle. Cette influence de Prins orienta son esprit vers les réformes institutionnelles et sociales. Quelques années plus tard, il consacra sa leçon d’ouverture à l’Université de Bruxelles à la réforme du parlementarisme. Le roi Léopold II il remarqua ses travaux dès cette époque et lui demanda de collaborer à un audacieux projet de réforme politique qui lui tenait personnellement à cœur : l’introduction du referendum dans nos institutions.

Les catholiques occupaient le pouvoirs depuis 1884 et l’influence de Woeste avait plongé la vie politique belge dans un climat de passion. Les élections générales de 1894 avaient été une déroute pour les libéraux débordés à leur gauche par l’entrée massive au parlement d’un bloc de vingt-huit députés socialistes. Hymans était le jeune espoir et le candidat favori de la bourgeoisie libérale de Bruxelles. Il engagea aussitôt le combat sur le terrain de la réforme électorale. Toute la gauche s’unit pour un temps et la représentation proportionnelle arrachée à la droite, sous la pression de l’opinion, renforça l’opposition libérale et porta Hymans au parlement, où il allait siéger sans interruption jusqu’à la fin de sa vie. Il s’était marié deux ans plus tôt avec Mlle Thérèse Goldschmidt. Le biographie doit retenir cet événement qui eut une influence heureuse sur sa destinée. Mme Hymans sera son bon génie, « la lumière de ma vie », dira-t-il un jour.

Le jeune député de Bruxelles s’appliqua avec succès à cimenter l’union des gauches libérales. Le redressement libéral de 1906 fut son œuvre pour une bonne part. Avec quarante-deux sièges, les libéraux prenaient le premier rang dans l’opposition et Hymans le premier rôle. Ce rôle, il le joua magistralement dans les grands débats de l’époque : la question électorale, la question coloniale, la question militaire, la question scolaire. La lecture des Annales Parlementaires ou du recueil de ses discours témoigne de l’autorité de ses interventions, de la solidité et de la force de son argumentation, de l’élégance de son style aussi.

Dans la question coloniale, ses critiques furent loyale et modérées, mais d’une courageuse fermeté. Il fut un des tout premiers à se prononcer pour la reprise de l’État Indépendant du Congo par la Belgique et on peut dire que ses exhortations pathétiques emportèrent finalement la décision du parlement en raillant à l’annexion les hésitants.

Le roi Léopold II, qui avait eu Hymans pour adversaire dans sa politique coloniale, n’eut pas, en revanche, de meilleur avocat de sa politique militaire. Le leader libéral l’aida puissamment à triompher de l’hostilité au principe du service personnel, et plus encore de l’indifférence générale. La défense nationale fut toujours un de ses soucis dominants.

Hymans adhéra dès 1911 au suffrage universel pur et simple et, dans la question scolaire, défendit vigoureusement la doctrine traditionnelle de son parti : l’organisation d’un enseignement public à tous les degrés, sous la direction exclusive de l’autorité civile.

La première guerre mondiale le hissa sur la grand scène internationale et le révéla diplomate. En 1914, il fit partie de la mission belge aux Etats-Unis, chargée d’intéresser le Président Wilson au « cas » de la Belgique. En 1915, il fut nommé Ministre Plénipotentiaire à Londres et il y négocia la Déclaration de Sainte-Adresse, par laquelle la France , la Grande-Bretagne et la Russie s’engagèrent à associer le gouvernement belge aux négociations de paix, à ne pas mettre fin aux hostilités sans que la Belgique fût rétablie dans son indépendance politique et économique et largement indemnisée des dommages qu’elle avait subis, et à lui venir en aide pour assurer son relèvement commercial et financier. En 1916, il fut appelé à siéger au gouvernement belge en exil, d’abord comme ministre des affaires économiques, puis comme ministre des affaires étrangères. Il participa aux négociations d’armistice et il y défendit les intérêts belges avec succès.

A la Conférence de la Paix , Hymans, soutenu par Vandervelde et Van den Heuvel, obtint, à force de ténacité, un traitement privilégié pour la libération de nos dettes de guerre et une priorité de réparations de deux milliards et demi de francs belges. Il enleva également la révision des traités de 1839 en ce qui concerne le statut de neutralité imposée. Ses efforts pour obtenir une révision territoriale et de meilleures frontières aboutirent, aux termes de négociations ardues, à la reconnaissance des droits historiques de la Belgique sur Eupen, Malmédy, Saint-Vith et Moresnet, sous réserve d’un plébiscite. Enfin, c’est à Hymans, admirablement servi par Pierre Orts, que la Belgique dut l’administration du Ruanda-Urundi et d’importants avantages dans l’Est Africain.

Il prit la responsabilité d’associer la Belgique à la France dans l’occupation de la Ruhr  : première manifestation d’une diplomate belge affranchie de la neutralité et geste de solidarité franco-belge qui allait rendre possible l’union économique belgo-luxembourgeoise. Il siégea à plusieurs conférences internationales vouées aux réparations en se donnant pour tâche de sauvegarder les intérêts belges et l’entente interalliée. Prestigieux avocat des petites puissances, il participa activement à l’élaboration du statut de la Société des Nations et aux travaux du Conseil à ses débuts. Elu Président de la Première Assemblée par acclamation, et membre du Conseil de la Société des Nations, il affirma son autorité dans la solution de plusieurs différends internationaux en arbitrant notamment le conflit polono-lithuanien et en intervenant heureusement dans la question du partage de la Haute-Silésie .

Préoccupé de doter son pays d’une protection efficace, il prépara les accords de Locarno. Avec son collègue hollandais van Karnebeek, il élabora un traité d’amitié hollando-belge portant révision des traités de 1839 et fixant un nouveau régime de l’Escaut. Ce traité, signé par les deux gouvernements, ne fut malheureusement pas ratifié par les Etats-Généraux des Pays-Bas. Avec son collègue français Briand, il assouplit l’accord militaire franco-belge en l’intégrant dans les accords de Locarno.

A la deuxième Assemblée de la Société des Nations de 1929, Hymans plaida chaleureusement la cause du désarmement économique. Il représenta la Belgique à la commission chargée d’étudier le projet Briand d’une fédération européenne. Dans le même ordre de préoccupations, il négocia la convention d’Oslo et la convention d’Ouchy, avant-projets de Benelux.

Ainsi affirma-t-il la cohérence d’une pensée politique à longue vue, qui visait, dès cette époque, à réconcilier l’Europe et à préparer ce qu’on appelle aujourd’hui un marché commun. Dans cette perspective d’union européenne et de solidarité occidentale, conçue comme un facteur de paix universelle, Hymans pratiqua toujours une politique de stricte indépendance belge. Il veilla à empêcher l’éclatement de l’entente franco-britannique, si nécessaire, et à prévenir une alliance italo-allemande, si redoutable. Il prit l’initiative de suggérer une politique de limitation des armements qui obligerait l’Allemagne au respect d’un contrat substitué au « Diktat » de Versailles – sans succès, malheureusement.

La réputation du Pacte Rhénan, le 7 mars 1936, et ses suites fatales – qui allaient conduire à la guerre de 1940 – ruinèrent l’édifice de sécurité et de coopération internationale dont il avait été l’un des meilleurs artisans. Ministre sans portefeuille de 1935 à 1936, Hymans qui avait également été ministre de la justice en 1915, quitta le pouvoir, le cœur lourd de déception et d’inquiétude, tout en restant, comme Ministre d’État, un conseiller précieux de la couronne et du gouvernement.

En 1939, ses amis politiques lui donnèrent une nouvelle marque de confiance et de déférence, en l’élisant « hors poll » en tête de la liste libérale de Bruxelles et en lui offrant la présidence de la gauche libérale de la chambre. Le parlement et l’Université de Bruxelles, qui l’élut à la présidence de son conseil d’administration, occupèrent les derniers moments de sa vie, avant la guerre et l’exil où il devait mourir. Ainsi s’acheva comme elle avait commencé, dans une exceptionnelle unité de pensée et d’action, une des plus brillants carrières d’homme d’état qui aient jamais honoré la Belgique.

« Adieu ma vie », dit-il, en quittant pour toujours son cabinet de travail, au mois de mai 1940. L’exode vers la France , où il accompagna le gouvernement, la fatigue physique, les souffrances morales, le choc de la capitulation, eurent raison de ses forces, mais jamais de son optimisme. Il écrivit à Nice le dernier chapitre de ses mémoires en évoquant « l’espoir immortel que donna la foi dans les grandes vérités humaines et divines, qui finissent toujours par briser les doctrines de haine, les règnes de violence et de persécution, qui sont l’âme de la civilisation ».

 

Robert Fenaux – Biographie Nationale.