JACQUES de DIXMUDE, Baron Jules, M.-A.
Né à Stavelot, le 24 février 1858, décédé à Bruxelles, le 24 novembre 1928.
Lieutenant-Général de l'Infanterie.
Commandant de la 3ième Division d'Armée, 1917-1919.
Commandant de la 2ième Brigade de la 3ième Division d'Armée, 1915-1917.
Commandant du 12ième Régiment de Ligne, 1913-1915.
Commandant en Second de l'École Royale Militaire, 1908-1912.
Grand Croix de l'Ordre de Léopold avec Palme, Commandeur de l'Ordre de l'Étoile Africaine et de l'Ordre de la Couronne, Chevalier de l'Ordre Royal du Lion, Croix de Guerre 1914-1918 avec Palmes, Médaille de l'Yser, Médaille Commémorative de la Campagne 1914-1918, Médaille de la Victoire, Médaille de la Campagne Arabe, Croix Militaire de 1re Classe, Étoile de Service, Médaille Commémorative du Règne de Léopold II.
Grand Croix de l'Ordre de Sainte-Anne avec Glaives de Russie, Grand Officier de l'Ordre de l'Étoile de Karageorge avec Glaives de Serbie, de l'Ordre des SS. Michel et George de Grande-Bretagne et de l'Ordre de la Légion d'Honneur de France, Commandeur de l'Ordre des SS. Maurice et Lazare d'Italie, Médaille pour Mérite Militaire en Argent Italie, Distinguished Service Medal États-Unis, Croix de Guerre 1914-1918 avec Palme France.
Huit Chevrons de Front, une Chevron de Blessure.
JACQUES de DIXMUDE, Baron.
Sa carrière coloniale.
Le lieutenant-général Baron Jacques de Dixmude est un des fondateurs de
notre empire colonial.
Lieutenant adjoint d’état-major, il s’embarque à Anvers le 1er
mai 1887. Il est attaché pendant un an à la direction des transports, travaux
publics et marine de Boma, puis passe au district de Bangala.
Il fait partie de l’expédition Dhanis-Bia-Ponthier-Wells, chargée
d’occuper le Haut-Congo et de créer un camp à Batoko avec postes intermédiaire.
Le lieutenant Jacques s’y fait remarquer par sa bravoure extraordinaire, son dévouement
et son énergie. En août 1889, il fonde le poste de Boumba et rentre en
Belgique le 5 juin 1890.
En 1891, le gouvernement le choisit comme chef d’expédition
anti-esclavagiste, et le nomme en même temps commissaire du district du
Tanganyka, mission dont il s’acquitta très brillamment. Il s’embarque à
Naples, à bord du « Bundesrath », le 8 mai 1891, et débarque à
Zanzibar le 2 juin 1891.
Arrivé à Karéma le 16 octobre, il s’occupe immédiatement de
l’administration de son district. Au cours d’une reconnaissance dans le
Tanganika, il fonde Albertville. Il est forcé d’interrompre sa tâche pour
livrer combat contre les Arabes esclavagistes, auxquels il inflige de lourds échecs
à Mossengeré, Kalonda, Toka-Toka et Moukina.
Mais le commandant Jacques ne voulait pas dormir sur les lauriers :
les Arabes vaincus, il recommence sa reconnaissance du Marungu jusqu’au lac
Moero. A Moliro il crée un poste frontière avant de reprendre le chemin du
retour par le Nyassa et le Zambèze. Il rentre alors à Bruxelles, le 23 juin
1894.
Il s’embarque une troisième fois à Anvers à bord du « Léopoldville »
pour aller occuper le poste de commissaire général du district du Lac Léopold
II. Inlassable, il commence immédiatement une reconnaissance de son nouveau
district : elle aboutit à la création des postes de Mussohie et Mioki.
Nouvel arrêt dans la carrière administrative du commissaire général :
il prend les armes pour infliger une sévère leçon aux Kundus.
Ces opérations terminées, il se remet à la tâche et explore notre
domaine africain de Nkutu à Bolobo et de Lukolela au Lac Léopold II .
Cette besogne terminée aux mieux des intérêts de l’Etat Indépendant,
Jacques rentré à Bruxelles le 25 août 1898, ayant dernière lui une carrière
qui aurait suffi à l’immortaliser.
Mais il ne jugeait pas sa tâche terminée, et il repart de Naples à
bord du « Kronprinz » le 1er décembre 1902. Il dirigera
pendant trois ans la mission d ‘études du chemin de fer du Katanga.
Sa carrière militaire.
Entré à l’Ecole Militaire le 1er mai 1876 ;
sous-lieutenant le 4 mai 1878, au 9e de Ligne ; lieutenant le 25
mars 1885 ; adjoint d’état-major le 7 décembre 1886 ; capitaine
commandant le 25 mars 1896 ; major le 26 juin 1907 ; commandant en
second de l’Ecole Militaire le 30 septembre 1908 ; il est déchargé de
ces fonctions le 8 mai 1912 ; lieutenant-colonel le 26 juin 1913 au 12e
de Ligne, il commande le régiment à la mobilisation de 1914.
La guerre de 1914-1918 allait achever de placer en pleine lumière ce
chef, à qui les circonstances devaient réserver, par une sorte de prédestination,
un rôle de premier plan en maintes heures tragiques.
C’est une bataillon de son régiment, le 2e, sous les ordres
du major Collyns, qui soutient héroïquement, à Visé, le premier choc de
l’ennemi, puis, le lendemain encore, s’illustre dans la magnifique défense
du pont de Wandre. Le 3e bataillon combat vaillamment à
Queue-du-Bois et à Bellaire. Quant au 1er bataillon, au moment où
il est appelé en renfort, c’est le colonel Jacques en personne qui le mène
au sanglant combat de Sart-Tilmant et, par sa bravoure personnelle, électrise
l’ardeur de ses hommes.
Tout de suite, par ce privilège qui est l’apanage des grand chefs, il
prend sur eux un ascendant dont la puissance est telle que, pour ses soldats,
son nom seul est comme un drapeau.
Si le 12e de Ligne a subi de cruelles pertes à Liège, il a
conquis en revanche, dans ces premières luttes, une confiance et une ardeur de
vaincre qui, constamment exaltées par un chef admirable, feront de lui une unités
les plus justement réputées de l’armée.
Partout où il s’engage, il ajoute à sa gloire. A Haecht et à
Over-de-Vaart, les 11 et 12 septembre, c’est sous un feu terrifiant
d’artillerie et de mitrailleuses que le colonel Jacques porte ses troupes à
l’attaque et, par son propre exemple, obtient d’elles un déploiement d’énergie
offensive extraordinaire.
Non moins admirable fut leur attitude aux bords du pont de Hansbrug, le
13 septembre, quand, pour dégager les vaillants troupes du 11e de
Ligne, qui désespérément résistent sous un feu d’enfer à la poussée
d’un adversaire très supérieur, le colonel Jacques entraîne à l’attaque
que quelques fractions de son régiment, qu’on voit s’élancer, clairons
sonnant, bravant la mitraille.
Pendant la siège d’Anvers, le colonel Jacques est avec son régiment
dans le 4e secteur, que la 2e division d’armée tient
entre le fort de Liezele et l’inondation de Heyndonck (Senne) ; une part
glorieuse lui revient dans l’échec des deux puissantes attaques allemandes
qui, malgré le bombardement formidable dont elles s’accompagnent, sont
repoussées devant la tête de pont de Blaesveld.
Puis, c’est la retraite d’Anvers vers l’Yser, au cours de laquelle
le colonel Jacques participe, sur
Quand cette division atteint la région de Nieuport où elle a été
transportée, la brigade Meiser, composée des 11e et 12e
de Ligne, reçoit bientôt la glorieuse mission de défendre Dixmude avec les
fusiliers-marins de Ronarc’h.
Dixmude… Nom d’épopée que l’on ne peut séparer de celui du
colonel Jacques, qui fut l’âme de cette défense héroïque entre toutes.
C’est sur lui que repose la garde de la tête de pont édifiée sur la
rive Est de l’Yser, et qu’il faut tenir à tout prix, jusqu’à sa mort.
Son poste de combat est dans le ville même. Il a fait le serment que, lui
vivant, l’ennemi ne passerait pas… Et les obus ont beau pleuvoir sur
Dixmude, où les ruines s’amoncellent et que l’incendie dévore ; ses
valeureux bataillons ont beau souffrir toutes les misères, tous les tourments,
saigner de milles plaies, il tiendra ! Malgré deux blessures successives,
il ne veut pas quitter son poste, car il sait que tant que le chef sera la, les
hommes se faibliront pas. Et, quand le général Meiser, à bout de forces, doit
être évacué sur un hôpital, le colonel Jacques assume, dans l’enfer
qu’est devenu Dixmude, le commandement de la brigade des 11e et 12e
de Ligne, jusqu’au jour où ces régiments glorieux, ayant atteint la limite
de la résistance physique, sont enfin relevés, ayant conquis pour leurs
drapeaux magnifiques
Promu général-major le 30 avril 1915 et lieutenant-général le 30 mars
1916, il prend d’abord le commandement de la 2e brigade de la 3e
division, puis celui de cette division même, qui, sous ses ordres, sera plus
que jamais la fameuse « Division de Fer », célèbre déjà depuis
Liège.
Pendant les longs mois que durée de la guerre des tranchées, le général
Jacques occupe tour à tour, à la tête des unités qu’il commande, les
divers secteurs du front de l’Yser, y aguerrit les troupes, les prépare à
l’ardente offensive qui, le jour venu, « boutera » les Boches hors
du Pays. Il est là toujours, donnant l’exemple et payant de sa personne,
circulant parmi ses hommes aux tranchées comme au cantonnement. Pas un soldat
qui ne connaisse ce chef, ne le respecte et l’admire, pour le renom de
bravoure qu’il fait rejaillir sur tous ceux qu’il sur tous ceux qu’il
commande. Etre de la « Division Jacques » est un titre de gloire,
dont chaque troupier s’énorgueillit.
Quand se déclanche la fameuse offensive allemande du printemps 1918, la
3e division occupe le secteur de Merckem. C’est là que, le 17
avril, conjointement avec celle qui se développe au sud d’Ypres, l’ennemi
lance la brusque et massive attaque qui vise à atteindre Poperinghe, d’un
seul bond. L’ennemi fait irruption dans les postes avancés où les soldats de
Jacques sont submergés par le flot assaillant ; il avance d’abord, au
prix de lourdes pertes, dans un terrain bouleversé par quatre ans de luttes
incessantes. Mais avant même qu’il ait eu le temps d’organiser sur la bande
de terrain chèrement conquise, voici que se précipite fougueuse, irrésistible,
la contre-attaque des bataillons de Jacques, soutenus par le feu endiablé de
l’artillerie… En quelques heures de combats farouches, nos troupes chassent
les Allemands de tous les postes envahis. Et quand la bataille prit fin, des
certaines de cadavres ennemis gisaient sur le terrain ; près de huit cents
prisonniers valides restaient aux mains de la division Jacques qui inscrivait,
sur ses étendards, un nouveau nom fameux.
Quelques mois plus tard, quand notre armée fonce, à son tour, sur le
Boche aux abois, le Roi confie au général Jacques, pour l’offensive du 28
septembre, le commandement du groupement central d’attaque. Celui-ci comprend
les 3e et 9e divisions d’infanterie, c’est-à-dire
toute la 3e division d’armée en première ligne, et une division
française en deuxième ligne.
Avec une ardeur et une vaillance éblouissantes, les troupes du général
Jacques enlèvent d’assaut
Elles ont subi des pertes cruelles ; mais c’est à la décisive
victoire, comme il l’avait promis, que leur chef a conduit leurs drapeaux déjà
chargés de gloire.
Une ovation triomphale accueille, le mois suivant, le général Jacques
quand sa division défile, à Liège, devant les souverains.
Le Courrier de l’Armée, 1er décembre 1928.