LEVIE, Michel.

Né à Binche, le 4 octobre 1851, décédé à Saint-Josse-ten-Noode, le 6 mars 1939.

 

Ministre d'État.

Ministre des Finances, 1911-1914.

Membre de la Chambre des Représentants.

 

Grand Croix de l'Ordre de la Couronne, Grand Officier de l'Ordre de Léopold avec Rayures d'Or, Croix Civique de 2ième Classe, Croix Spéciale des Mutualistes, Médaille Commémorative du Règne de Léopold II, Médaille Commémorative du Centenaire.

Grand Croix de l'Ordre d'Orange-Nassau de Pays-Bas et de l'Ordre du Lion et du Soleil de Perse, Commandeur de l'Ordre Pontificial de Saint-Grégoire le Grand, Chevalier de l'Ordre de la Légion d'Honneur de France.

 

 

LEVIE, Michel, Avocat, Ministre d’Etat, né à Binche le 4 octobre 1851, décédé à Bruxelles le 6 mars 1939.

Michel Levie n’avait pas vingt-deux ans quand il acquit à Louvain le titre de docteur en doit. De son père commerçant, il tenait l’initiative et l’esprit de travail. A Louvain, il avait trouvé une vocation : se dévouer à la cause sociale et politique. Son maître Charles Périn, auquel il se référera souvent, l’avait rendu sensible aux injustices sociales du régime en vigueur ; il s’en détache cependant immédiatement sur un point important : alors que la question sociale, selon le professeur de Louvain, était tout entière à résoudre par l’initiative privée et la charité, Michel Levie y voyait un problème de justice, où l’intervention de l’état était non seulement légitime mais nécessaire. La lecture des œuvres de Mgr Ketteler fut pour beaucoup dans cette orientation.

Installé à Charleroi comme avocat après quinze mois de stage à Bruxelles, Michel Levie s’affirme très tôt. En 1886, il est nommé président de l’association catholique de l’arrondissement ; en 1890-1891, il est promu bâtonnier de l’Ordre des Avocats. Le spectacle de la misère et l’hostilité perçue dans les milieux ouvriers renforcent sa vocation sociale ; plus encore peut-être la préoccupation de la déchristianisation massive dont il est alors le témoin.

Aux congrès de Liège, en 1886-1890, il étonne par son dynamisme ; déjà en possession d’un système réfléchi, là où la plupart hésitaient à admettre le moindre interventionnisme, il exerce une influence souvent décisive sur les débats que Charles Woeste dirige. Il s’affirme notamment avec vigueur pour le principe de l’assurance obligatoire contre l’accident et la maladie et pour les unions professionnelles exclusivement ouvrières. Après le premier de ces congrès, c’est lui qui fonde et préside à Charleroi le comité d’œuvres sociales destiné à susciter la création de cercles ouvriers. Dans un discours politique tenu en septembre 1886, il n’hésite pas à dire, à propos d’un éventuel subventionnement officiel des caisses de secours – qu’il souhaitait cependant de forme coopérative – « J’aimerais mieux ce socialisme d’état que celui qui consiste à subventionner les écoles, les théâtres, les arts, les sociétés d’agrément ». La parution de l’encyclique Rerum Novarum, le 15 mai 1881, fut de son aveu un des plus beaux jours de sa vie ; il y perçut un encouragement personnel et accentua son allure démocratique. Pendant deux ans, il fournit alors un effort énorme de conférences et de prise en charge des intérêts ouvriers ; il fonde notamment la société coopérative les ouvriers réunis, qui devient très vite le centre de toute les œuvres sociales chrétiennes ; elle lui attire cependant de multiples difficultés de la part des conservateurs aussi bien que des socialistes et il doit renoncer à la présidence de l’association catholique. A la même époque, Michel Levie est un des premiers membres de la ligue démocratique, fondée par Georges Helleputte, et il mène avec elle campagne pour le suffrage universel, la représentation proportionnelle et pour l’égalité de tous devant les obligations militaires (1891-1893).

Il avait cependant dépassé : la limite de ses forces et une assez longue dépression lui imposa un choix parmi ses multiples activités. Une circonstance de famille lui permit de reprendre en commun avec deux de ses frères la direction d’une cimenterie près de Haine-Saint-Pierre et il renonça au barreau afin de pouvoir poursuivre son activité politique et sociale. En 1895, il passera un mois dans les Balkans, notamment à Belgrade, Sofia, Constantinople, Bucarest, Odessa, pour raison d’affaires.

Artisan actif de l’union des catholiques en une seule liste électorale tout au long de sa carrière politique, il revendiqua néanmoins toujours une réelle autonomie pour la tendance démocratique. L’abbé Pottier, à Liège, et Léon Mabille, dans le Centre, sont ses amis intimes ; de nombreux liens l’attachent aussi à Arthur Verhaegen. Leur rencontre renforce son ardeur aussi bien pour les campagnes électorales en milieu ouvrier que pour les congrès de la ligue démocratique. En 1897, sa nomination comme membre du conseil supérieur du travail renforce son influence social et, en 1900, aux élections qui suivirent l’instauration de la représentation proportionnelle, il est lui-même élu comme député à la Chambre des Représentants. Sa vie allait prendre une nouvelle dimension. S’il maintint dans toute la mesure du possible ses contacts avec les milieux ouvriers et s’il consacre une large part de son action à la réalisation des réformes dont il avait l’idéal depuis plus de dix ans, son activité serait cependant de plus en plus absorbée par des questions de politique générale.

Dès 1900, il devient membre de la commission financière de la Chambre des Représentants et sera à ce titre rapporteur de nombreux budgets du ministère des finances. En 1911, le baron Charles de Broqueville obtient qu’il accepte ce ministère, du moins jusqu’aux élections de 1912. Michel Levier resta en fait ministre des finances jusqu’en février 1914, ayant accepté après la victoire électorale d’élaborer le programme des nouveaux impôts rendus nécessaires par la situation internationale et les préparatifs militaires qu’elle exigeait. Ces impôts évitèrent de frapper la consommation et la propriété foncière ; ils instaurèrent une taxe sur les véhicules à moteur et sur les spectacles cinématographiques ; ils comportèrent surtout une innovation essentielle, qui ouvrait la voie à la législation d’après guerre : celle d’une taxe de 4 p.c. sur les revenus et profits réels des sociétés et de certaines personnes, en remplacement du droit de patente, dont le montant était déterminé par catégories par un collège de répartiteurs. Ces innovations furent défendues devant la Chambre le 8 août 1913, et un discours de plus de trois heures.

D’autres projets de lois furent l’œuvre de Michel Levie. C’est lui notamment qui fit instaurer le service des chèques postaux en Belgique, d’après le système allemand, sans intérêt pour les sommes déposées (28 décembre 1912) ; c’est lui encore qui fut un des grands artisans de la loi instituant une société nationale des habitations et logements à bon marché ; il avait tenu à garder le ministère des finances jusqu’à son vote à la Chambre le 25 février 1914 ; l’amendement du texte au Sénat et la guerre retardèrent cependant la promulgation jusqu’en 1919.

Invité lors de sa démission à assumer la présidence du conseil d’administration de la société des chemins de fer vicinaux, il sera particulièrement désigné pour remplir de 1914 à 1918 les fonctions délicates de représentant secret du Gouvernement Belge exilé au Havre ; il pourra, sans attirer l’attention, convoquer et présider les réunions des secrétaires généraux et celles des parlementaires ; il sera à même de coopérer efficacement à la distribution de secours à tous ceux auxquels le patriotisme avait imposé de renoncer à leurs fonctions. C’est lui qui fut à l’origine de l’arrêt pronocé par le Cour d’Appel de Bruxelles, siégeant chambres réunies sous la présidence d’Henry Lévy-Morelle, ordonnant des poursuites contre les membres du conseil des Flandres institué par les Allemands en vue d’une scission de la Belgique. Dès son retour d’exil, le gouvernement reconnut les services qu’il avait rendus au pays et le nommant Ministre d’Etat.

De 1918 à 1921, Michel Levie reprit ses fonctions de député et fut un ardent promoteur de l’union nationale des trois partis. Son activité connut une nouvelle ampleur : en 1919, il est président de la délégation belge à la première conférence internationale du travail à Washington ; en 1921, il préside à Genève la conférence internationale pour la répression de la traite des femmes et des enfants. Il a cependant atteint les soixante-dix ans et décide alors de renoncer à la vie politique.

Toute son activité sera désormais d’ordre industriel et social. Père de onze enfants, il accepte d’être le premier président de la ligue des familles nombreuses (1921-1929) et y joint la présidence de multiples associations. Ce n’est qu’en 1938, âgé de quatre-vingt-six ans, qu’il déposera sa dernière démission, celle de président du conseil d’administration des vicinaux. Jusqu’au soir de sa vie, il avait gardé un dynamisme et une activité étonnants. Ce travailleur affable et bienveillant avait séduit partout et imposé le respect ; cet improvisateur à la fois souple et ferme dans ses convictions s’était révélé un président remarquable dans les débats difficiles. Les honneurs qui lui furent rendus après sa mort exprimèrent une reconnaissance qu’il avait largement méritée.

 

Léon de Saint Moulin – Biographie Nationale.