
MONCHEUR, Baron Ludovic.
Né à Bruxelles, le 12 mai
1857, y décédé, le 25 juin 1940.
Envoyé Extraordinaire et
Ministre Plénipotentiaire en Grande-Bretagne, 1917-1927.
en Turquie, 1909-1914.
aux États-Unis, 1901-1909.
en Mexique, 1897-1901.
Grand Croix de l'Ordre de
la Couronne et de l'Ordre de Léopold II, Grand Officier de l'Ordre de Léopold,
Croix Civique de 1re Classe, Médaille Commémorative du Règne de Léopold II,
Médaille Commémorative du Centenaire.
Collier de l'Ordre Royal de
Victoria Grande-Bretagne, Grand Croix de l'Ordre du Lion et du Soleil de Perse,
de l'Ordre de la Couronne d'Italie et de l'Ordre du Jade de Chine, Grand
Officier de l'Ordre de la Légion d'Honneur de France, Commandeur de l'Ordre de
l'Étoile Polaire de Suède, Officier de l'Ordre de la Couronne de Chêne de
Luxembourg, Chevalier de l'Ordre de Charles III d'Espagne.
MONCHEUR, Ludovic-Alfred-Joseph-Ghislain, Baron, diplomate, né à
Bruxelles le 12 mai 1857, y décédé le 25 juin 1940.
Le baron Moncheur était issu d’une famille de négociants notables établie
à Tournai à la fin du XVIe siècle. Son grand-père, licencié ès
lois, était devenu au début du XIXe siècle maître de forges à
Andenne ; son père, magistrat les premières années de l’indépendance
de
la Belgique
, était entré dans la politique ; pendant trente-deux ans député de
Namur, il avait été ministre des travaux publics dans le cabinet Malou, de
1871 à 1873, et avait reçu en 1881 le titre de baron, transmissible à tous
ses descendants.
Après avoir conquis son diplôme de docteur en droit à l’Université
de Louvain, Ludovic Moncheur avait été admis dans la carrière diplomatique
avec le grade d’attaché de légation le 1er décembre 1882. Il y
connut au cours des vingt premières années les affectations les plus variées.
Nommé à
La Haye
le 29 mai 1883, il fut promu le 28 novembre de la même année secrétaire de légation,
puis transféré en cette qualité successivement le 27 janvier 1885 à Madrid,
le 30 juin 1886 à Vienne, le 23 janvier 1887 à Berlin, le 12 février 1888 à
Lisbonne, le 10 février 1890 à Rome.
Elevé au grade de conseiller le 19 mai 1882, il fut nommé ministre-résident
à Mexico le 7 septembre 1897 et à Washington le 5 juillet 1901. Promu au grade
d’envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire le 23 octobre 1902, il
fut accrédité en cette qualité à Constantinople le 15 mai 1909 ; il y
demeura jusqu’au 20 novembre 1914, date à laquelle la participation de
la Turquie
à la guerre aux côtés des puissances centrales entraîna son rappel.
Ainsi rendu disponible, il remplit pendant le conflit diverses fonctions :
président du comité d’enquête économique et de la commission consultative
de la marine à Londres, vice-président du comité d’assistance aux
prisonniers de guerre en Allemagne ; le baron Edmond de Gaiffier d’Hestroy
ayant été nommé ministre à Paris, il lui succéda le 7 septembre 1916 dans
les fonctions de directeur général des affaires politiques au ministère des
affaires étrangères installé à Sainte-Adresse pendant l’occupation
allemande de
la Belgique.
Désigné
comme chef de la mission que le gouvernement envoya aux Etats-Unis en juin
1917, il reçut pour instructions de faire valoir la volonté de
la Belgique
de rejeter après la guerre une neutralité obligatoire qui, tout en réduisant
ses droits souverains, s’était révélée une protection illusoire, et
d’attirer l’attention du président Wilson sur les garanties nécessaires
pour préserver de tout risque l’existence à venir de
la Belgique.
Il
obtint la promesse que la question serait étudiée. Au cours de l’audience
qui lui fut accordée et dont il rendit compte le 14 octobre, le président
parut avoir moins de confiance dans une Ligue des Nations, très difficile à
organiser, que dans une alliance défensive entre les nations de l’entente.
« En vertu de ce pacte, lui avait-il dit,
la Belgique
devrait aider
la France
si elle était attaquée par l’Allemagne et, réciproquement,
la France
et les autres pays ayant signé le pacte devraient venir au secours de votre
pays s’il était victime d’une agression. »
Paul Hymans étant devenu ministre des affaires étrangères, le baron
Moncheur le remplaça à la tête de la légation de Belgique à Londres le 31
octobre 1917 ; accrédité en qualité d’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire
le 12 août 1920, il vit ses fonctions dans ce poste de première importance se
prolonger jusqu’en 1927. Il y donna toute sa mesure.
Sa première tâche fut de poursuivre l’action diplomatique de son prédécesseur
en vue d’obtenir, ainsi qu’il l’avait déjà entrepris aux Etats-Unis, les
nouvelles garanties de sécurité dont
la Belgique
devrait bénéficier après la guerre. Cette question fut posée en 1919 à
la Conférence
de
la Paix
en même temps que celle de la révision des traités de 1839 et du Luxembourg.
Il incombait au baron Moncheur de soutenir à Londres les efforts accomplis par
Hymans à Paris. Il fut ainsi chargé, dans le courant de l’été 1919, de
solliciter l’extension à
la Belgique
de la garantie défensive que l’Angleterre et les Etats-Unis avaient accordée
à
la France
en cas d’agression de l’Allemagne. Le Traité de Versailles étant entré
en vigueur, il eut à s’occuper de son exécution. Le 18 mars 1920, il était
appelé à représenter
la Belgique
au Conseil Suprême qui, réuni à Londres sous la présidence de Lloyd George,
avait été saisi d’une demande du gouvernement allemand d’envoyer des
troupes dans le bassin de
la Ruhr
et dérogation à l’article 42 du traité. Ces troupes ayant pénétré dans
la zone neutre sans attendre l’autorisation sollicitée, l’armée française
occupa Francfort et quatre autres villes rhénanes le 6 avril, en dépit de
l’opposition de l’Angleterre. Le gouvernement belge décida le 8 avril de se
solidariser avec
la France
et de participer à cette opération par l’envoi d’un bataillon. Le baron
Moncheur dut user de toute sa diplomatie pour dissiper le ressentiment qu’en
conçut le Foreign Office. Au sous-secrétaire d’état qui reprochait à
la Belgique
de n’avoir pas tenu sa promesse d’agir solidairement avec ses alliées, il
répondit, parvenant ainsi à le faire sourire : « si je vous promets
que je vous accompagnerai si vous allez à Paris, je ne prends pas par là
l’engagement de ne jamais aller dans cette ville si vous restez indéfiniment
en Angleterre ». L’orage ne tarda pas à s’apaiser ; les troupes
belges et françaises évacuèrent Francfort le 17 mai.
Le baron Moncheur s’efforça en vain, au cours de 1920, d’obtenir que
le Royaume-Uni participât aux conversations engagées entre les états-majors
belge et française, et qui aboutirent à l’accord militaire du 7 septembre
1920. Mais l’occasion s’offrit en 1922, à la conférence de Cannes, de
reprendre les pourparlers en vue du renouvellement de la garantie inscrite dans
les traités de 1839 ; Theunis et Jaspar rallièrent Lloyd George et Curzon
à un projet d’accord belgo-britannique qui devait être conclu parallèlement
à un accord similaire franco-britannique. Les négociations que le baron
Moncheur poursuivit à Londres avec lord Curzon permirent de le mettre au point,
mais le gouvernement anglais faisait dépendre sa signature de la conclusion de
l’accord franco-britannique qui se heurta à des obstacles insurmontables. La
question demeura en suspens jusqu’en 1925, quand les modifications survenus
dans la situation internationale permirent de la reprendre sur de nouvelles
bases. L’Angleterre ayant rallié
la France
à l’idée d’un accord d’assistance mutuelle auquel l’Allemagne
participerait et qui assurerait la paix sur le Rhin, le baron Moncheur prit une
part active aux négociations qui se poursuivirent à Londres en même temps que
dans les autres capitales intéressées et qui aboutirent à la signature des
accords de Locarno le 16 octobre 1925. Dans l’intervalle, en novembre 1922, le
gouvernement avait eu recours à l’expérience que le baron Moncheur avait
acquise avant la guerre, au cours de sa longue mission à Constantinople, et
l’avait chargé de diriger la délégation belge à la conférence réunie à
Lausanne en vue de conclure la paix avec
la Turquie.
Le baron Moncheur, arrivé au terme d’une carrière de quarante-cinq
ans, quitta le 3 juillet 1927 la capitale britannique où il avait représenté
la Belgique
pendant dix ans. Les manifestations dont il fut l’objet à son départ montrèrent
la position qu’il y avait acquise. Le Lord-Maire offrit en son honneur un
banquet de cent cinquante couverts ; un tel hommage à un diplomate étranger
à la fin de sa mission était sans précédent. Les grands journaux lui consacrèrent
des éditoriaux. Le Times salua en lui
« one of the most familiar figure in post-war society » ; il
connaissait l’Angleterre actuelle au moins autant que beaucoup d’Anglais et,
ajoutait le journal, ce qu’il y avait de remarquable dans la carrière du
baron Moncheur, c’était l’aisance avec laquelle il avait semblé effectuer
la transition de la veille diplomatie aux conditions totalement différentes de
la période de guerre où il avait dû s’occuper des traités de paix, du
nouveau statut international de
la Belgique
, des réparations, de
la Ruhr
, de Locarno, de l’Escaut…
Hymans, alors ministre des affaires étrangères, ne voulut pas se priver
du concours que la sagacité, la grande expérience, les nombreuses relations du
baron Moncheur dans le monde diplomatique pouvaient encore lui apporter malgré
l’âge de la retraite. Il y fit appel à l’occasion des sessions du Conseil
de
la Société
des Nations à Genève ; depuis un an,
la Belgique
n’en était plus membre ; il importait néanmoins qu’elle fût
renseignée sur les échanges de vues auxquels procédaient les grandes
puissances signataires des accords de Locarno en marge des séances sur des
questions la concernant telles que l’évacuation anticipée de
la Rhénanie
instamment demandée par l’Allemagne et la commercialisation des réparations
suggérée par
la France.
Le
baron Moncheur était en mesure de recueillir sur elles des informations
confidentielles, soit auprès de sir Austin Chamberlain, le secrétaire d’état
Britannique des affaires étrangères, qui le tenait en grande estime, soit auprès
de von Schubert, secrétaire d’état du ministère des affaires étrangères
à Berlin qu’il connaissait depuis plus de vingt ans. Ces questions firent
l’objet d’importantes délibérations entre les hommes d’état que
l’assemblée de
la Société
des Nations avait appelés à Genève en septembre 1928. Le baron Moncheur
faisait partie de la délégation belge. Le chancelier Muller soumit à une réunion
restreinte à laquelle participaient Briand pour
la France
et lord Cushendun pour le Royaume-Uni sa demande d’évacuation anticipée.
C’est au baron Moncheur qu’Hymans, empêché d’assister à l’une des séances,
demande de représenter
la Belgique.
En 1925, à l’époque où il était ministre des affaires étrangères,
Vandervelde avait créé une commission consultative appelée à délibérer sur
les principales questions de politique étrangère intéressant
la Belgique.
Il
en avait confié la présidence au baron Beyens ; le second vétéran de
la diplomatie belge qu’il y avait nommé était le baron Moncheur. Cette
commission, qui comprenait aussi Louis de Brouckère et où siégeaient, à côté
du ministre, trois de ses collaborateurs, fut maintenue par Hymans quand, en
1926, il succéda à Vandervelde à la tête du département. A la mort de
Beyens, c’est Moncheur qu’il appela, le 21 avril 1934, à en prendre la présidence.
Au moment où il avait quitté Londres en 1927, le Times avait relevé parmi les traits de son caractère « his
humorous foible of veiling great knowledge and accurate perception under an
engaging assumption of ignorance ». Les éminentes qualités du baron
Moncheur, en effet, n’apparaissaient pas au premier abord. C’était un
diplomate discret dont la parole était parfois hésitante ; mais il avait,
ainsi que l’a dit Hymans, « des dons remarquables d’adresse aimable et
insinuante » ; il savait gagner la confiance de ceux auprès
desquels, particulièrement dans les pays anglo-saxons, il représentait son
pays ; son expérience, la finesse de son esprit à laquelle se mêlait une
pointe d’humour, sa sagacité lui valaient en même temps leur estime.
Fernand Vanlangenhove – Biographie Nationale.