PIERLOT, Comte Hubert, M.-E.
Né à Cugnon, le 23 décembre 1883, décédé à Uccle, le 13 décembre 1963.
Ministre d'État.
Premier Ministre, 1939-1945.
Ministre de la Défense Nationale, 1942-1944.
Ministre des Travaux Publics, 1943-1944.
Ministre de la Justice, 1937, 1940-1942.
Ministre de l'Instruction Publique, 1940.
Ministre de l'Agriculture, 1935, 1936-1938, 1939.
Ministre de l'Intérieur, 1934-1936.
Membre de la Chambre des Représentants.
Major Honoraire de l'Infanterie.
Commandeur de l'Ordre de Léopold, Officier de l'Ordre de la Couronne et de l'Ordre de Léopold II, Chevalier de l'Ordre de Léopold avec Palme, Croix de Guerre 1914-1918, Médaille du Volontaire Combattant 1914-1918, Médaille de l'Yser, Croix de Feu, Médaille Commémorative de la Campagne 1914-1918, Médaille de la Victoire, Croix Militaire de 2ième Classe, Médaille Commémorative du Centenaire.
Grand Croix de l'Ordre de la Couronne de Chêne de Luxembourg, de l'Ordre de l'Étoile Brillante de Chine, de l'Ordre du Croix de Sud du Brésil, de l'Ordre du Lion Néerlandais, de l'Ordre de l'Étoile Polaire de Suède, de l'Ordre de la Légion d'Honneur de France et de l'Ordre de la Couronne de Siam, Grand Officier de l'Ordre de la Couronne de Perse, Medal of Freedom États-Unis.
PIERLOT,
Hubert, Marie, Eugène, Comte.
Hubert
Pierlot fit ses études moyennes à l’école abbatiale de Maredsous puis au
collège Saint-Michel des Jésuites à Bruxelles. Docteur en Droit et Licencié
en Sciences Politiques de l’Université de Louvain, il reste inscrit depuis
1908 jusqu’à sa mort au barreau de
Le
4 août 1914 Hubert Pierlot s’engage comme volontaire. Il fait la guerre dans
l’infanterie et la termine comme lieutenant au 30e Régiment de
Ligne. Il en présidera la fraternelle dès sa fondation en 1926. Il était en
1940 capitaine-commandant de réserve dans le Régiment d’élite des Chasseurs
Ardennais.
De
février 1919 à décembre 1920 il a été chef de cabinet du premier ministre
Delacroix.
Des
élections de 1926 à celles de février 1946 il fut membre du sénat.
En
janvier 1934 Charles de Broqueville lui confia le portefeuille de l’intérieur
qu’il garde jusqu’en mars 1935.
Une
réorganisation du parti politique auquel il appartenait lui valut d’avril
1935 à fin 1936 de présider l’Union Catholique.
En
1936 Paul van Zeeland lui confie le ministère de l’agriculture qu’il dirige
jusqu’au 18 mai 1938.
En
1937 il provoque et préside le dernier des congrès de Malines, assemblée de
tous les catholiques belges.
Le
20 février 1939 Hubert Pierlot devient premier ministre. Il assume le
portefeuille des affaires étrangères du 20 février au 31 août et celui de la
défense nationale du 20 octobre 1942 à septembre 1944.
En mai 1940 son gouvernement quitte le pays occupé. Il rentrera de
Londres en septembre 1944. Il reste premier ministre jusqu’au 6 février 1945.
Dans la séance du 19 septembre 1944 les Chambres réunies acclamèrent
longuement l’œuvre du gouvernement de Londres.
Du 17 septembre au 27 décembre 1950 il est assesseur à la section législative
du Conseil d’Etat.
Nommé Ministre d’Etat le 3 septembre 1945, il avait été crée comte
par un arrêté du Prince Régent daté de 1946.
Le samedi 17 novembre 1923 la conférence du jeune barreau de Bruxelles
tient sa séance solennelle de rentrée. C’est pour le monde du palais un événement
important. Le président de la conférence est Joseph Pholien, le bâtonnier est
Jules Renkin. Dans la salle se trouvent des personnalités qui marquent bien que
l’on est au tournant du siècle, des avocats de l’avant-guerre, des jeunes
avocats belges, français, luxembourgeois dont les noms encore inconnus
deviendront célèbres. L’orateur de rentrée est Hubert Pierlot.
Il y a la ce que Charles Maurras eût appelé des intersignes. Car le
destin d’Hubert Pierlot allait s’inscrire dans d’autres voies. Il allait
certes rester membre du barreau pendant cinquante-cinq ans. Sans doute eût-il
souhaité y achever sa carrière. Revenu de la première guerre mondiale il ne
pensait quitter un uniforme qu’il avait honoré que pour reprendre sa place à
la barre. Mais Léon Delacroix qui allait être le premier chef du gouvernement
à porter en Belgique le titre de premier ministre avait remarqué le jeune
avocat qu’il avait eu comme stagiaire. Il lui demanda d’assumer la direction
de son cabinet, lorsque le roi Albert lui confia le soin de présider à la
reconstruction du pays. Ainsi commence une carrière politique. Elle aurait pu
être celle d’un sénateur provincial. Les électeurs luxembourgeois ont gardé
à Pierlot leur confiance depuis 1926 jusqu’en 1946. Elle aurait pu être
celle d’un ministre qui lors de son passage au ministère de l’agriculture révéla
une force de caractère suffisante pour pour renouveler par voie d’autorité
le cadre supérieur de son département et faire appel à des collaborateurs
jeunes. L’histoire qui déroulait son fil parallèlement à la carrière
d’Hubert Pierlot en décida autrement.
Son parti qui cherchait entre les deux guerres la forme qu’il devait
adopter pour rester pluraliste, tout en gardant à sa tête une autorité ferme,
lui avait confié ka présidence d’une des phases par lesquelles il passa. Le
président de l’Union Catholique allait être ministre, puis premier ministre.
Ce premier ministre allait être celui de la crise économique, celui de
la montée des périls, celui du rexisme, celui de la guerre, celui enfin du
drame royal.
Le parlement lui confia d’emblée les pleins pouvoirs pour lutter
contre la montée du rexisme. Déjà l’élection de Paul van Zeeland à
Bruxelles avait cassé les reins à la poussée totalitaire. Les pleins pouvoirs
devaient aussi permettre au premier ministre de chercher remède à
l’angoissante crise économique et financière. Au lendemain de sa mort,
Marcel Grégoire, ancien ministre de la justice et qui fut de ses
collaborateurs, écrivait dans le journal Le Soir : « Qu’on
interroge ceux qui ont le privilège de travailler avec le comte Pierlot non
seulement Camille Gutt, Auguste de Schryver, et Paul Henri Spaak, ses bons et
solides amis, mais ses collaborateurs plus proches les trois André, André de
Staercke, André Molitor et André Vaes, Pierre d’Ydewalle, Daniel Ryelandt et
tant d’autres qui à l’agriculture, à l’intérieur, à la défense
nationale, ou dans les services du premier ministre furent à ses côtés. Tous,
contre vents et marées, lui restèrent attachés. Tous aujourd’hui le
pleurent et vénèrent sa mémoire. Car il possédait cette essentielle vertu du
chef qui est de faire confiance, de confier des responsabilités, d’apprécier
un travail bien fait et d’être ouvert aux suggestions comme aux mises en
garde. Sa conscience professionnelle était proverbiale, comme avocat
n’abandonnant un dossier qu’après l’avoir fouillé dans ses recoins les
plus secrets, comme parlementaire d’une assiduité exemplaire et d’une
capacité de travail fréquemment mise à contribution, comme homme d’état
enfin. Quand l’histoire se remémorera sa physionomie d’homme public elle
retiendra ses traits les plus saillants : le courage, le sens du devoir, la
puissance inflexible de sa volonté ».
En vérité, à la veille du drame de 1940, le premier ministre Hubert
Pierlot est estimé par ses collègues. Son parti le suit presque généralement,
malgré sa division en groupes sociaux appelés « standen », représentatifs
des classes moyennes, des milieux agricoles, des syndicats, etc. Mais il n’a
pas pris encore la figure d’un homme politique dont l’histoire allait mettre
le nom dans ses titres. Pourtant ce qui sera sa caractéristique au moment où
cette histoire l’attendra dans l’orage, apparaît à travers sa personnalité.
En 1935 ministre de l’intérieur il est en désaccord avec son premier
ministre sur un projet qu’il n’estime pas satisfaisant. Il lui écrit :
« Rien ne ruine davantage le crédit moral d’un gouvernement ou d’un
homme que de rester sur une équivoque ».
La guerre qui vient va lui donner des responsabilités auxquelles, parce
qu’il est moralement solide, planté sur des certitudes et incapable de faire
quelques concessions que ce soit là où il croit avoir vu son devoir, il fera
face. La même histoire dira demain là où il a eu raison et là où il a eu
mort. Mais lui, à ce moment, est parfaitement indifférent au jugement que
peuvent porter sur lui ceux qui ne regardent que le présent. Le 13 octobre 1937
le Reich nazi avait déclaré que
C’ était la guerre. Ce fut tout de suite le drame. Drame entre la
conception que le roi Léopold, chef de l’Etat, avait de son devoir de
commandant en chef et la conception que ses ministres, et surtout Hubert Pierlot,
avaient de son devoir de chef d’état. Aussi le parlement ne connut il pas les
heures bouleversantes du discours d’Albert Ier au mois d’août 1914. Le pays
s’engagea dans une défense dont l’issue dépendait de l’assistance de ses
garants. La déroute française qui suivit la percée de Sedan le 14 mai obligea
le gouvernement à évacuer Ostende, le 17, et à se réfugier en France,
Pierlot, Spaak, Van der Poorten et le général Denis demeurant toutefois à
Bruges aux côtés du Roi. Il est étrange de retrouver dans le comportement des
hommes de 1940 et dans vingt domaines différents l’obsession de l’exil à
Sainte-Adresse de la première guerre. Vint le 25 mai, le tragique entretien du
château de Wynendaele entre le Roi, son premier ministre et le ministre des
affaires étrangères et la constatation du caractère inconciliable des deux
positions. Vint le 28 la capitulation du Roi commandant en chef militaire. Puis
il y eut Limoges et cette assemblée de parlementaires que le bon sens et le
sang-froid d’Hubert Pierlot et de quelques-uns de ses amis empêchèrent de
proclamer
Le 17 juin, le maréchal Pétain, en sa nouvelle qualité de président
du Conseil, annonçait que le gouvernement français avait demandé un armistice
à l’Allemagne. Dans le désarroi provoqué par cet effondrement, le
gouvernement Pierlot lia le sort de
A Londres le War Cabinet reprit tout de suite la direction de la part
civile et militaire de
Le maintien du Congo dans la guerre et l’apport considérable de la
colonie à l’effort interallié – l’uranium venait de l’Union Minière
– la création le 5 septembre 1944 du Benelux s’ajoutent aux services
qu’il a rendus à son pays depuis qu’en 1940, à Limoges, il a écarté la
perspective républicaine.
Mais depuis le début de la guerre, juriste et patriote, le premier
ministre du gouvernement de Londres s’efforçait de faire en sorte que la
reprise de la vie normale se fît lorsque
Bruxelles fut libérée dès les premiers jours de septembre 1944. Le
gouvernement revint immédiatement dans la capitale. Le 13 septembre le
parlement accueillait dans un enthousiasme délirant le gouvernement et son
chef. Mais le Roi était prisonnier et dans l’état constitutionnel
d’incapacité de régner. Le gouvernement organisa la régence du Comte de
Flandre, frère de Leopold III. Le Régent fit Hubert Pierlot ministre d’état
en puis comte.
Une tentative de gouvernement avec les communistes fut de courte durée.
Lorsque le pays fut entièrement libéré, des élections purent être organisées
en février 1946, elles marquèrent la fin de la vie publique d’Hubert Pierlot.
L’ovation du parlement en septembre
Ce que l’on a appelé l’affaire royale est né au moins
chronologiquement d’événements dont plus d’un reste à expliquer. Le secrétaire
du Roi avait publié une version des événements de 1940 qui ne correspondait
ni au souvenir ni au jugement de l’ancien premier ministre. Celui-ci rompit le
silence qu’il avait gardé jusqu’alors et dont il devait dire plus tard à
Jean Fosty, futur sénateur et alors journaliste, qu’en tout cas il le
garderait partout où l’on ne l’obligerait pas à parler. Le journal Le
Soir publia une série d’articles d’Hubert Pierlot à l’occasion
desquels la querelle rebondit.
Le 27 novembre 1947 les premiers membres du Conseil d’Etat crée par
Pierre Vermeylen, ministre de l’intérieur, prêtèrent serment. La loi avait
permis que les cinq premières nominations d’assesseur de la section de législation
ne soient pas soumises aux conditions de présentation qui avaient été prévues
pour cette fonction. Le premier entre eux, désigné par le ministre de l’intérieur,
fut le comte Hubert Pierlot. Pendant les trois années d’activité que son âge
lui permettait encore, Hubert Pierlot fut alors conseiller juridique à la
section de législation juridique à la section de législation du Conseil d’Etat.
Les jugements le plus divers et les plus contradictoires ont été portés
sur cet homme. Ce que l’on peut dire avec certitude c’est que ce fut un
grand honnête homme. Patrouilleur de 1914-1918, sénateur appliqué, rapporteur
intelligent de pas mal de budgets et de projets, chef de gouvernement préoccupé
uniquement de suivre les leçons de sa conscience, Hubert Pierlot passait pour
froid, distant, timide. En vérité le président du sénat, Paul Struye, qui
avait été son compagnon dans un gouvernement et son associé dans la résistance
patriotique, a fort bien dit que ce qui lui manquait c’était cette forme de
« bon garçonnisme parlementaire » qui fait les réputations
faciles. Beaucoup lui ont dénié toute forme d’humour. Tous ceux qui ont
collaboré avec lui savent qu’il abordait toujours les problèmes d’une manière
originale et gaie et que les jugements qu’il portait sur les hommes n’étaient
jamais dépourvus d’humour. Sans doute manquait-il d’une certaine facilité
de communication dans ce domaine particulier. Mais on peut dire que les caractéristiques
marquantes de ce destin et de cet homme sont assurément la fidélité appuyée
sur le courage et sur un sens exceptionnel de la primauté de l’état.
William Ugeux – Biographie Nationale.