WAHIS, Baron Théophile, T.-J.-A.
Né à Menin, le 27 avril 1844, décédé à Bruxelles, le 26 janvier 1921.
Lieutenant-Général de l'Infanterie.
Gouverneur Général Honoraire du Congo Belge, 1892-1912.
Aide de Camp Honoraire du Roi Léopold II, 1906-1909.
Commandant de la 4ième Circonscription Militaire, 1905-1909.
Commandant de la 2ième Brigade d'Infanterie, 1901-1905.
Commandant du 1er Régiment de Grenadiers, 1898-1901.
Grand Officier de l'Ordre de Léopold et de l'Ordre de la Couronne, Commandeur de l'Ordre de l'Étoile Africaine, Médaille Commémorative 1870-1871, Croix Militaire de 1re Classe, Étoile de Service en Or, Médaille Commémorative du Règne de Léopold II.
Grand Croix de l'Ordre de la Couronne de Fer d'Autriche et de l'Ordre de l'Aigle Rouge de Prusse, Grand Officier de l'Ordre de Saint-Benoît d'Aviz de Portugal, Commandeur de l'Ordre de Saint-Stanislas de Russie, de l'Ordre de l'Épée de Suède, de l'Ordre du Takovo de Serbie et de l'Ordre Pontificial du Pie, Officier de l'Ordre de la Légion d'Honneur de France, Chevalier de l'Ordre de la Guadeloupe de Mexique et de l'Ordre de Saint-Vladimir de Russie, Médaille du Mérite Militaire de Mexique et Médaille de l'Expédition du Mexique France.
WAHIS, Baron Théophile, Théodore, Joseph, Antoine, Gouverneur Général
de l’Etat Indépendant du Congo et du Congo Belge, Lieutenant-Général et
Aide de Camp du Roi (Menin, Flandre Occidentale, 27 avril 1844 – Bruxelles, 26
janvier 1921).
Fils et neveu d’officier, Wahis était en quelque sorte voué au métier
des armes. Il l’eut dans le sang jusqu’au bout de sa longue existence.
Après avoir terminé ses humanités il entra, à peine âge de 16 ans,
à l’école régimentaire du 11e Régiment de Ligne ; le 29
novembre 1861 il fut admis à l’Ecole Militaire.
Nommé sous-lieutenant, il commença sa carrière par une glorieuse
aventure : sous la conduite d’un grand soldat, le colonel baron van der
Smissen, un corps expéditionnaire s’était organisé fin 1864 pour défendre
une princesse Belge, l’Impératrice du Mexique, dont le trône se trouvait
menacé ; tout de suite Wahis s’inscrivit dans la légion mexicaine.
Pendant deux ans il s’en alla guerroyer en ce pays lointain. Guerre farouche
sous un climat qui rappelle en certaines régions celui du Congo, il s’y
distingua au point qu’il fut le seul lieutenant à être cité à l’Ordre du
Jour de l’armée française et qu’il mérita la croix de chevalier de
l’Ordre de
On sait la fin tragique de l’aventure du Mexique. Ce fut sans aucun
doute avec un sentiment de mélancolie qu’en décembre 1866 Wahis reprit le
chemin du pays.
Pendant vingt-cinq ans il va y poursuivre une brillante carrière
militaire. Dès son retour il est désigné pour le Régiment des Grenadiers,
auquel il marquera toujours son attachement. Il y conquiert tous ses grades,
sous le commandement du colonel van der Smissen, dont en 1875 il deviendra
l’aide de camp, après sa sortie de l’Ecole de Guerre avec le brevet d’état-major.
Mais voici qu’en 1890 l’aventure ouvre de nouveau ses ailes toutes
grandes.
Le Congo a besoin d’hommes, désormais le major Wahis mettra au service
de Léopold II son courage et son énergie, auxquels s’ajoutent maintenant sa
maturité d’esprit et son expérience des gens et des choses.
Après un court stage à l’administration centrale de l’Etat Indépendant
du Congo, il s’embarqua pour Boma le 18 mars 1891, en qualité de
Vice-Gouverneur Général. Le Roi avait discerné en lui les aptitudes au haut
commandement. Dès le 1er juillet 1892 il lui confia les fonctions de
Gouverneur Général.
Avant les grand chefs s’étaient succédé rapidement au Congo. Dans le
nouveau Gouverneur Général, Léopold II a découvert l’homme qui lui
convenait. Dès lors la stabilité règne dans le fonctionnement du gouvernement
local. Cinq fois de suite le Gouverneur Général prit la route du Congo.
Pratiquement sa carrière coloniale s’identifie avec l’histoire de l’Etat
Indépendant du Congo.
Ce n’était ni un gouverneur de parade nu une gouverneur sédentaire.
Lorsqu’il s’agissait de réaliser les grands desseins de Léopold II,
il n’hésitait pas à quitter sa capitale et à passer plusieurs mois dans le
Haut-Congo pour assurer l’exécution des instructions royales. C’est ainsi
qu’il joua un rôle de premier ordre dans l’organisation de ces expéditions
lointaines qui tenaient tant à cœur au Roi-Souverain. Il tenait notamment à
en surveiller personnellement et minutieusement le ravitaillement en hommes et
en matériel. De même, quand, plus tard, l’existence de l’Etat fut mise en
péril par des accusations lancées à l’étranger et en Belgique, il reprit
la route de l’intérieur et entreprit une vaste enquête, afin de renseigner
son Souverain sur la valeur de ces accusations.
Dès qu’un devoir lui paraissait s’imposer, aucune considération de
convenance personnelle n’existait à ses yeux. Dans une lettre du 11 février
1906, qu’à son retour du Haut-Congo il écrivait au Roi, il disait :
« Votre Majesté expriment l’opinion que ma présence au Congo continue
à être utile, je retarderai le plus possible mon départ. Ma santé reste
bonne, condition indispensable pour bien diriger les affaires ici, où il faut
encore plus qu’ailleurs donner le bon exemple ». « Le supérieur
des Prémontrés m’écrit que je suis une grand encouragement pour eux, parce
qu’il croyait qu’après quarante ans on ne pouvait conserver grande vigueur
dans cet pays-ci et qu’il voit bien, par la résistance que je montre, que sa
carrière n’est pas finie dans l’Uele. Je suis heureux de l’encouragement
que ma santé et mes 61 ans largement passés donner à ces bons religieux. »
L’œuvre accomplie par le Gouverneur Général Wahis touche aux
domaines les plus divers.
Bien entendu, à une époque où il importait de réaliser ou de
consolider l’occupation du territoire, une de ses préoccupations essentielles
devait être l’organisation de
L’activité du Gouverneur Général s’étendit à bien d’autres
problèmes : organisation des chefferies indigènes, développement de
l’agriculture, lutte contre les maladies et particulièrement contre la
maladie du sommeil, création des colonies scolaires de Boma et de
Nouvelle-Anvers etc.
Avec l’âge son prestige était devenu immense au Congo.
Instinctivement, tout fonctionnaire, et même tout non-fonctionnaire, se mettait
au garde-à-vous devant ce Gouverneur Général de grande allure, qui vous
toisait du haut de ses sourcils olympiens et qui, à l’occasion, vous décochait
un de ces traits à l’emporte-pièce dont il avait le secret.
Car, exigeant envers lui-même, il avait le droit d’être exigeant vis-à-vis
des autres. S’il tenait en haute estime les réalisateurs, il détestait
cordialement ceux qu’il appelait les prétentieux et les paresseux.
Sous une rude enveloppe se dissimulait pourtant une cœur d’or. Nous
pourrions citer plus d’un exemple où éclate la bonté foncière du
Gouverneur Général.
Il fut vivement affecté lorsque, à la fin de l’Etat Indépendant du
Congo, les adversaires de Léopold II accusèrent l’Administration congolaise
de cruautés des Noirs. Il rappela avec insistance que, dès son entrée en
charge, par une circulaire du 12 décembre 1891, c’est-à-dire bien avant la
campagne anti-congolaise, il avait formellement interdit l’emploi de mesures
violentes inutiles contres les villages révoltés. Sans doute il n’eût pas
été un soldat s’il n’avait exigé la soumission des natifs à l’autorité,
mais il n’autorisait les répressions énergiques que « lorsque tous les
moyens de conciliation se trouvaient épuisés ». Une autre circulaire de
1895 répétait ces instructions.
La longue durée du commandement qu’il exerça au Congo ne
s’expliquerait pas si, constamment, il n’avait vécu en pleine communauté
d’idées avec le Roi-Souverain. Léopold II lui témoigna toujours la plus
entière confiance. Il entretint avec lui des rapports que nous pourrions
presque qualifier d’affectueux.
La preuve nous en est donnée par la correspondance échangée entre le
Roi et le Gouverneur Général.
Dès le début, le 30 septembre 1891, le Roi écrit d’Ostende :
« Cher Monsieur Wahis, je vous remercie bien sincèrement de vos bons
services, de l’activité et de la sagesse avec lesquelles vous administrez en
Afrique l’Etat Indépendant ».
Le 4 mai 1892, une distinction honorifique lui est annoncée en ces
termes : « Je me suis accordé la satisfaction de vous conférer
Une lettre du 6 février 1897 débute comme suit : « Cher
Monsieur Wahis, j’ai attendu la nouvelle de votre retour à Boma pour vous écrire,
pour vous remercier de la tournée que vous avez faite dans l’Etat, qui a été
très utile, et pour vous offrir mes vœux pour 1897 ».
Dix ans plus tard, une lettre du 10 janvier 1906 montre que les
sentiments du Roi vis-à-vis de son Gouverneur Général restent les mêmes :
« … J’ai été très heureux d’avoir pu signer votre nomination de
lieutenant-général et de vous réserver la division de Bruxelles. Le
gouvernement Belge ne s’attend pas à vous voir de ce chef hâter votre retour
du Congo. Ne doutez pas du plaisir que j’aurai à vous voir revenir, mais
augmentez, en restant le plus longtemps possible au Congo, vos titres à ma
gratitude ».
Comme bien on pense, la correspondance particulière qui s’engagea
entre le Roi-Souverain et le Gouverneur Général n’avait pas exclusivement
pour but un échange de compliments.
Le Roi tenait à mettre son Gouverneur Général entièrement au courant
des buts qu’il poursuivait au Congo et, en ce faisant, il insistait sur des
points qu’il ne pouvait confier au courrier officiel. La correspondance est
caractéristique à un autre égard : elle nous permet d’apprécier la
minutie et la clairvoyance du grand Roi. De son château de Laeken ou du
pavillon d’Ostende, pas un détail ne lui échappe.
1891 est l’époque où la pensée dominante de Léopold II est de fixer
les limites du nouvel Etat, d’occuper le pays en ne se laissant pas devancer
par les voisins.
Une lettre du 30 septembre 1891 contient les instructions ci-après :
« Poussez vivement Van Kerckhoven vers Lado ; mandez-lui que le temps
presse. J’espère que vous aurez pu exécuter votre excellente intention de
monter avec les Blancs qui lui sont destinés. Vous savez combien je tiens au
succès de mes trois grandes expéditions, Van Kerckhoven, Van Gèle, Le Marinel
et au vigilant maintien de nos positions dans le Lunda. Tout cela dépend des
transports et par conséquent du judicieux usage de nos bateaux, du nombre de
nos porteurs et de l’intelligente désignation des charges les plus pressées
qui doivent primer les autres. Faites bien sentir votre action dans ce grand département
des transports… ». Plus loin : « … Mon vif désir est que
Van Kerckhoven et Le Marinel atteignent leurs objectifs, Lado et Misiri… Je
vois avec gratitude les soins que vous donnez au recrutement de
On a lu l’adjuration pathétique : « poussez vivement Van
Kerckhoven vers Lado ». C’est la réalisation d’un des grands desseins
de Léopold II, fasciné depuis longtemps par la pensée d’établir sur le
Nil, dans le Bahr-el-Ghazal et même plus loin, un boulevard contre les
mahdistes et les chasseurs d’esclaves. On sait comment les événements
contrecarrèrent cette politique. C’est seulement en 1896 que Chaltin réussit
à atteindre Redjaf et Lao.
Dans l’intervalle, la volonté tenace de Léopold II apparaît de
nouveau : « … Je sais, écrit le 4 avril 1892, au Gouverneur Général,
qu’elles (ces lignes) vous trouveront faisant des efforts pour renforcer mes
trois grandes expéditions, Ubangui-Bomu, Van Kerckhoven et Katanga, pour
achever ce qui est indispensable aux transports, le montage de nos nombreux
vapeurs, ka réparation du Stanley… ».
Cette correspondance se poursuit jusqu’aux dernières années de l’Etat
Indépendant. A partir de la mort de Léopold II, le Gouverneur Général
Wahis s’efface. Sans doute reste-t-il le Gouverneur Général jusqu’en 1912.
Mais une autre époque commence. Le Roi Souverain a disparu. Le Congo est devenu
un Congo parlementaire, ministériel et… bureaucratique. Le Gouverneur Wahis
n’appartient pas à cette période.
Il n’était pas cependant oublié des anciens. Il lut avec émotion et
fierté le discours que son successeur, le Gouverneur Général Fuchs, prononça
à Boma le 14 février 1913 et dans lequel il trouva le passage suivant :
« Je tiens à adresser ici un chaleureux souvenir, plein de respect
profond, à celui que nous avons connu si longtemps à notre tête et qui, au
cours de sa longue carrière africaine, sut mettre au service du rôle dont il
fut investi de remarquables qualités d’administrateur, un sens exact des réalités
présentes, une énergie et une fermeté s’alliant à une bonté qui savait se
faire paternelle tant vis-à-vis de ses subordonnés que vis-à-vis des natifs.
Il étendit toujours sur eux sa vigilante protection tutélaire et c’est en
chevalier sans peur et sans reproche qu’il accomplit son difficile devoir. »
Chevalier sans peur et sans reproche !
En 1869 le général Baron van der Smissen parlait de la « bravoure
chevakeresque » du jeune sous-lieutenant Wahis. Nous resterons sur cette
impression. Toute sa vie Wahis fut le chevalier du devoir, le chevalier de la
dynastie.
F. Dellicour – Biographie Coloniale Belge.