CHAPELIÉ, Jean-Jacques, Edouard.
Né à Marseille, le 13 octobre 1792, décédé à Ixelles, le 24 octobre 1864.
Lieutenant-Général.
Fondateur, Directeur des Etudes et Commandant de l'Ecole Militaire, 1834-1863.
Sous Chef d'Etat-Major à l'Etat-Major Général, 1832-1834.
Grand Croix de l'Ordre de Léopold, Croix Commémorative 1856.
Grand Croix de l'Ordre de Saint-Stanislas de Russie, Grand Officier de l'Ordre Nicham Iftikhar de Tunesie, de l'Ordre du Midjidié de Turquie et de l'Ordre du Pié du Saint-Siège, Commandeur de l'Ordre de Saint-Michel de Bavière, de l'Ordre de la Tour et de l'Epée de Portugal et de l'Ordre de la Légion d'Honneur de France, Officier de l'Ordre de Charles III d'Espagne, Chevalier de l'Ordre de Saint Ferdinand d'Espagne et Médaille de Sainte Hélène de France.
CHAPELIÉ, Jean-Jacques-Edouard, général, né à Marseille le 13 octobre 1792, décédé à Ixelles le 24 octobre 1864.
Entré à l’Ecole Impériale Polytechnique (Paris) le 2 novembre 1812, il y fit de brillantes études. Il devint sous-lieutenant d’artillerie à l’Ecole d’application de l’artillerie et du génie en novembre 1814. La campagne de 1814 sous les murs de Paris et celle de Metz en 1815 n’avaient pas tardé à lui fournir une première expérience de la guerre. Promu lieutenant en second à la suite de l’Ecole d’application susdite, le 14 avril 1817, il fut désigné, l’année d’après, à la suite du régiment d’artillerie à pied de Toulouse.
Admis comme lieutenant en premier, le 20 juillet 1819, au corps royal d’Etat-Major (à l’issue de l’examen pour la formation de celui-ci), Chapelié fut employé peu après à l’Etat-Major de la 9e division. Le 3 mars 1823, il fit mutation à l’Etat-Major du 4e corps de l’armée des Pyrénées commandée par le maréchal Moncey. C’est ainsi que, de 1823 à 1827, il combattit au sein des troupes d’occupation en Espagne, dans la division de Barcelone. Cité avec éloge par le maréchal Maison pour sa conduite lors de la prise de Trocadéro, dans l’île de Léon (en face de Cadix), il se distingua encore en 1823 à Vich et se vit décerner la Légion d’Honneur, puis des ordres de chevalerie espagnols.
Promu capitaine le 13 décembre 1826, Chapelié fut chargé de poursuivre les travaux topographiques entamés par l’armée française en Catalogne, puis, à partir du 10 janvier 1828, ceux de Barcelone en qualité de chef de la brigade d’officiers d’état-major désignée dans ce but. Sa mission terminée, il fut rappelé en France et mis en disponibilité, avant d’être nommé, le 11 mars 1829, aide de camp du général Gavotty.
C’est le 23 mars 1830 que Chapelié passa à l’Etat-Major général de l’expédition d’Afrique qui préparait la conquête d’Alger. Il s’y signala, à la fin du mois de juillet, à la tête de deux compagnies du 2e régiment de marche et de 28 chasseurs, au moment où l’adversaire exécutait sa plus vive attaque ; son détachement, précise encore le rapport du général en chef daté du 1er août 1830, avait ensuite continué à former l’avant-garde. Devenu officier de la Légion d’Honneur, le 27 septembre, Chapelié fit partie de la célèbre expédition de Médéah et, une fois encore, mit en évidence ses qualités d’endurance et de bravoure.
Chef de bataillon au corps royal d’Etat-Major depuis le 8 septembre 1830, il rentra en France avec le maréchal Clauzel, le 21 janvier de l’année suivante, et fut chargé de la remise des archives de la campagne d’Algérie au département de la Guerre. C’est une peux après que des perspectives nouvelles et, en tout cas, inattendues se présentèrent non seulement pour sa carrière d’officier, mais aussi pour son existence ultérieure.
Arrivé en Belgique dans les circonstances que l’on sait, en juillet 1831, le Prince Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha, devenu le Roi Léopold Ier, avait d’autant plus rapidement constaté l’état de désorganisation des forces armées, constituées à la hâte dans les mois troubles qui avaient suivi la Révolution de 1830, que l’offensive des troupes de Guillaume Ier s’était muée en victoire lors de la campagne des Dix-Jours d’août 1831. C’est pourquoi la loi du 22 septembre suivant se prévalut de la gravité des circonstances pour autoriser l’emploi d’officiers français afin de réorganiser notre armée. L’un des premiers de ceux-ci, agréé par le Roi sur présentation du Ministre de la Guerre de France, fut le général Deprez qui vint prendre la direction de notre Etat-Major général. Or, Deprez, après avoir été chef d’état-major de Moncey en Espagne, était devenu celui de l’armée d’Afrique : il y avait vu à l’oeuvre Chapelié, et songea aussitôt à réclamer sa collaboration à Bruxelles. Ainsi que ce dernier l’écrira beaucoup plus tard, il vint somme toute en Belgique et fut placé à l’état-major (par arrêté royal du 23 octobre 1831) « sans l’avoir demandé, sans le désirer à contre-coeur même », en obéissant à un ordre formel et en supposant surtout que sa mission y serait brève. Ainsi qu’on va le voir, cette mission dura pratiquement autant que le restant de sa vie. Devenu Belge, c’est dans notre capitale qu’il réaliserait son oeuvre principale et terminerait sa laborieuse carrière !
Après les décès du général Deprez, resté chef d’état-major de l’armée belge (6 août 1833), notre ministre de la Guerre qui était également Français, le général Evain, invita Chapelié à continuer ses fonctions. Ce dernier objecta que celles-ci exigeaient un grade bien supérieur au sein et qu’il était du reste décidé de rétourner dans son pays. Evain lui fit alors part du voeu formel du Roi Léopold Ier d’assumer la charge (pour laquelle le Roi l’estimait, sur avis de personnalités autorisées, spécialement capable) d’organiser chez nous une Ecole Militaire. Chapelié, qui était lieutenant-colonel d’état-major depuis le 4 mars 1832 et sous-chef d’état-major à l’état-major général depuis le 22 octobre suivant, ne put que s’incliner. Un arrêté royal du 7 février 1834 l’appela à la direction des études et au commandement de l’établissement d’instruction, pour lesquels il avait tout naturellement pris modèle sur l’ Ecole Polytechnique de Paris.
Nous n’avons pas à résumer ici les débuts difficiles de l’Ecole Royale Militaire de Bruxelles. Pour résoudre des problèmes aussi nombreux que d’ordre varié, il fallait un homme de caractère doublé d’un savant. Retranché du monde pour se consacrer à sa tâche, Chapelié fut à la fois l’un et l’autre. Tout comme bien d’autres officiers mis à la disposition de la Belgique par le Gouvernement français, et objet d’une sorte de jalousie de la part des cadres indigènes de notre première armée, il fut attaqué dans la presse, en particulier par des feuilles pamphlétaires. Protogé par le Roi et soutenu par l’estime de ses chefs, il n’en poursuivit pas moins la formation des élèves d’une institution à laquelle se posaient, parmi nombre d’obstacles à son développement, les questions de bâtiments, d’équipement, de programme et de recrutement du corps professoral.
Promu colonel d’état-major le 12 février 1838, Chapelié fut définitivement admis dans le cadre de l’armée belge le 17 février 1839. La même année, il épousait une Bruxelloise, Mathilde Nuewens. Trois fils naquirent de cette union ; l’un d’eux, Paul (1840-1922), accéderait au généralat après avoir été officier d’ordonnance et aide de camp de Léopold II, et s’être occupé avec le colonel Strauch du secrétariat général du Comité d’Etudes du Haut-Congo.
Ayant obtenu la grande naturalisation le 26 mars 1844, le commandant de l’Ecole Militaire fut nommé général-major le 18 juillet 1845 et lieutenant-général le 15 février 1854. Placé à la section d’activité le 31 mars 1855, Chapelié fut admis – selon la formule consacrée – à faire valoir ses droits à la retraite le 2 mai 1859, et pensionné le 9 juillet suivant. La direction de l’école qu’il avait organisée lui fut, par décision de Léopold Ier, laissée jusqu’à ce que son fils aîné, déjà cité, y eut achevé ses études. En fait, c’est le 31 décembre 1863 qu’il remit ses fonctions au général Nerenburger, devenu ainsi le deuxième commandant de notre académie militaire.
Retraité et n’ayant conservé de son ancienne position que son titre de général, Chapelié ne dépendait plus de l’autorité militaire lorsqu’il accepta d’organiser un corps de volontaires belges pour le Mexique, à la demande de l’archiduc Maximilien d’Autriche qui se préparait à ceindre la couronne impériale de ce pays, aux côtés de son épouse, Charlotte, la fille de Léopold Ier. Nul doute que ce dernier ne l’eût recommandé à son gendre, en plein accord avec le ministre de la Guerre de notre pays, le général baron Chazal, pour une mission qui consistait, du moins en principe, à former une garde de la nouvelle impératrice. En s’attachant à organiser cette garde (dont il ne pouvait devenir les déboires et la dissolution dramatiques), Chapelié croyait rendre un ultime service à son pays d’adoption. De son passage à l’Ecole Militaire, il gardait le regret du seul enseignement qu’il lui avait été impossible de deonner aux officiers qu’il avait eu l’ambition de former : l’expérience de la guerre que lui-même devait à la campagne d’Algérie en 1830, et dans l’influence de laquelle P. Azan trouve l’explication de l’élan qui porta plusieurs de nos compatriotes à combattre en Afrique du Nord, aux côtés des troupes françaises, entre 1840 et 1851.
Mais, sans vouloir minimiser le rôle de Chapelié dans la constitution à Audenarde du « Régiment Impératrice Charlotte », il faut rappeler que la maladie qui allait bientôt l’emporter, l’empêcha d’exercer, en cette période cruciale, la surveillance indispensable. Pour résoudre des problèmes divers et fort compliqués, il dut s’en remettre à des collaborateurs. Ses derniers jours furent aussi obscurcis par les articles haineux d’une certaine presse qui le rendaient responsable de la formation d’une légion qui était à la fois, selon eux, une menace pour la liberté du peuple mexicain et une atteinte au statut de neutralité de la Belgique. Oublieux des services que lui, né Français, avait rendus à celle-ci, des pamphlétaires réclamèrent sa mise en accusation et exigèrent sa condamnation ! Le décès du vieux général, en son domicile d’Ixelles, mit un terme provisoire à cette campagne de presse.
En 1867, celle-ci rebondit quand les partisans du président de la république, Benito Juarez, eurent livré à la publicité une partie des documents dont il s’étaient emparés dans les résidences de Maximilien, fait prisonnier avant d’être exécuté à Queretaro au mois de juin. Dans une lettre écrite la veille de son décès, Chapelié, exposant à l’empereur du Mexique les efforts que lui avait coûtés sa tâche d’organisateur de la légion des volontaires belges, dépeignait en même temps la situation pécuniaire difficile qui serait bientôt celle de sa veuve et de ses trois orphelins ; il suppliait Maximilien de leur accorder « un capital dontr le revenu les mettrait, pour le présent et pour l’avenir, à l’abri de toute éventualité ». A l’époque, Madame Chapelié reçut une indemnité sur la base du traitement que son époux avait touché durant les sept mois qu’il avait consacrés à cette mission. L’effet de la requête de ce dernier n’en avait pas moins été des plus fâcheux à la Cour de Mexico. Il semble bien qu’en fin de compte une pension ait été faite à la veuve du général, sur la cassette du roi Léopold II, après l’effondrement de la monarchie au-delà de l’Océan.
Chapelié, protestant convaincu, était par ailleurs l’oncle de l’épouse du consul du Saint-Siège à Marseille. Lorsque Rome, désireuse d’acquérir (à des conditions du reste onéreuses) des fusils d’origine liégeoise qui se trouvaient disponibles en douane dans la cité phocéenne et dont elle avait besoin dans sa lutte contre les Garibaldiens, s’adressa à Chapelié, celui-ci facilita la tractation (1860).
Quoi qu’il en soit, le grand mérite du général Chapelié reste la fondation de notre Ecole Royale Militaire. Erigé dans la cour d’honneur des bâtiments proches du parc du Cinquantenaire, son buste, sculpté par Charles Van Oemberg en 1866, est destiné à le rappeler à toutes les promotions actuelles et futures de cet établissement de haut enseignement. Le Musée Royal de l’Armée, non loin de là, conserve quelques souvenirs et documents provenant de la succession de Jean Chapelié, en particulier ses nombreuses décorations.
Albert Duchesne – Biographie Nationale.