MASSON, Fulgence, P.-B.

Né à Dour, le 16 février 1854, décédé à Mons, le 24 janvier 1942.

 

Ministre d'Etat.

Ministre de la Justice, 1921-1925.

Ministre de la Défense Nationale, 1919-1920.

Ministre de la Guerre, 1918-1919.

Membre de la Chambre des Représentants.

 

Grand Croix de l'Ordre de Léopold avec Rayure d'Or, Grand Croix de l'Ordre de la Couronne, Médaille Commémorative du Comité National 1914-1918, Croix Civique 1re Classe, Médaille Commémorative du Règne de Léopold II, Médaille Commémorative du Centenaire.

Grand Croix de l'Ordre d'Isabelle la Catholique d'Espagne, de l'Ordre de la Couronne de Chêne de Luxembourg de l'Ordre de l'Etoile de Roumanie et de l'Ordre de la Couronne d'Italie, Grand Officier de l'Ordre de la Légion d'Honneur de France.

 

 

MASSON, Fulgence-Paul-Benoît, avocat, homme d’état, né à Dour le 16 février 1854, décédé à Mons le 24 janvier 1942.

Fulgence Masson fit ses études supérieures à l’Université de Liège où, le 12 août 1875, il obtenait son diplôme de docteur en droit avec la plus grande distinction.

Le 8 février 1876, un AR lui octroyait une bourse de voyage de deux mille francs à charge pour lui de visiter des universités étrangères pendant deux années consécutives. Il fit un séjour à Paris où il ne s’attache pas seulement aux débats judiciaires ; la politique l’attirait. Il entendit Gambetta, Ernest Renan, Claude Bernard ; il fréquenta la Sorbonne et le Collège de France et aussi Notre-Dame et la Comédie Française. Comme il était grand amateur d’art, il visita longuement le Louvre et les autres musées de Paris. Quand, après deux ans, il rentra à Dour, il était pourvu d’un bagage intellectuel très appréciable.

Inscrit au tableau des avocats le 5 novembre 1878 et, après son stage chez Hector Petit, il s’installa au n° 3 de la rue de la Grande Triperie à Mons qu’il occupa jusqu’à sa mort. Il plaida dans de très nombreux procès et, en assises, entre autres dans deux affaires retentissantes. La première, en mai 1889, fut celle dite du « grand complot » contre la sûreté de l’Etat. Il fut prouvé que ce complot avait été organisé par un agent de la Sûreté d’Etat au service d’un ministre. Après des débats longs et passionnés, les vingt-deux accusés, défendus par des avocats éminents, dont Fulgence Masson, furent acquittés. La seconde affaire est celle dite des « boulettes de Wasmes », dans laquelle une femme était accusée d’avoir empoisonné son mari. Masson parvint à faire acquitter la prévenue grâce à une plaidoirie aussi émouvante que solidement charpentée. Le 26 janvier 1926, le Barreau de Mons fêta avec éclat le cinquantenaire professionnel de l’avocat et, le 30 juin 1936, ses soixante ans de barreau. A cette occasion, François Bovesse, ministre de la Justice, remit au jubilaire, honneur rare, les insignes du Grand Cordon de l’Ordre de Léopold et le Barreau lui offrit son buste, frappant de vie, taillé dans du marbre de Carrare par le talentueux sculpteur Gustave Jacobs.

La politique tenta Fulgence Masson. Le 19 octobre 1894, il fût élu conseiller communal de la Ville de Mons ; échevin de l’Instruction Publique le 24 janvier 1888, il fit preuve d’une grande activité et de beaucoup d’initiatives dans l’exercice de ses nouvelles fonctions.

Elu conseiller provincial pour le canton de Dour en 1880, il remplit son mandat jusqu’en 1894. Il fut élu pour le canton de Mons en 1896, et siégea au Conseil provincial jusqu’en 1900.

En 1904, il fut élu membre de la Chambre des Représentants ; son mandat fut renouvelé, sans interruption, à chaque consultation électorale, jusqu’en 1933, époque où il démissionna. Dès son entrée à la Chambre, il se révéla grand orateur parlementaire, un chef que l’on écoute et que l’on suit.

Libéré de la prison de Celle-Schloss, à l’Armistice de 1918, Fulgence Masson s’occupa d’abord de faire rapatrier ses compagnons de geôle. C’est pendant son voyage de retour qu’il apprit qu’il était chargé du portefeuille de ministre de la Guerre.

Dès le début de la guerre de 1914-1918, il fut constitué en Belgique un Comité National de Secours et d’Alimentation dont le siège était à Bruxelles. Dans chaque province, on installa un Comité provincial qui était une émanation du Comité national. La Ville de Mons fut choisie pour être le siège du Comité du Hainaut. Il fut placé sous la présidence de Fulgence Masson, député libéral et échevin de l’Instruction Publique de Mons. Il mit son talent de juriste au service du Comité provincial et, aussi, des civils belges déportés en Allemagne par l’ennemi. A de nombreuses reprises, il protesta auprès des autorités militaires contre les déportations faites contrairement aux lois de la guerre et au droit des gens. Il fut le premier qui, le 2 novembre 1915, osa braver l’ennemi en adressant au général von Bissing une fière et énergique protestation au sujet de ces déportations.

La réponse ne se fit pas attendre. A ce moment, Fulgence Masson était déjà condamné par le gouvernement impérial et il le savait. Et quand la police allemande trouva un jour dans la poche d’un de ses amis la copie d’un projet de loi, écrit de sa main, projet à déposer au Parlement après la victoire des Alliés, l’occasion recherchée était trouvée. Ce fut la condamnation à l’exil, l’incarcération dans les prisons allemandes où il alla rejoindre d’autres grands Belges, coupables d’avoir lutté avec passion pour la Belgique, lâchement attaquée. D’abord emprisonné à Mons le 21 avril 1918, il passa par les prisons d’Aix-la-Chapelle et de Siegburg pour échouer à Celle-Schloss où il resta jusqu’à la fin de la guerre. Les autres prisonniers politiques l’avaient élu comme président. Il leur faisait des causeries, relevait le moral défaillant de certains en clamant sa certitude en la victoire final. C’était une haute conscience, un admirable patriote. Ecoutez-le : « Nous ne laissons aucun accusé sans défense ; nous prenons sous notre protection les plus misérables ; nous affrontons toutes les puissances ; nous parlons avec une égale indépendance devant toutes les juridictions ; nous dédaignons les velléités de représailles : la tâche que nous avons à remplir est d’un caractère assez élevé pour toutes les ambitions ».

Ministre de la Guerre du 21 novembre 1918 au 4 février 1920, Fulgence Masson fut également ministre de la Justice dans le cabinet Theunis du 16 décembre 1921 au 13 mai 1925.

Son œuvre considérable force l’admiration de tous. Les projets de lois qu’il présenta et fit voter intéressent la protection de l’enfance, les établissements pénitentiaires, les écoles du service social, les orphelins de guerre, les familles nombreuses, etc… La loi du 7 avril 1922, permettant aux femmes porteurs du diplôme de docteur en droit de prêter le serment d’avocat et d’exercer cette profession, est due à son initiative de même que la loi du 15 mars 1922 sur l’acquisition et la perte de la nationalité et celle du 16 décembre 1922 modifiant certains articles du Code civil accordant aux femmes le droit d’être témoins dans les actes notariés. Il défendit aussi avec énergie les petits locataires contre le double risque d’une expulsion arbitraire ou d’une exploitation abusive par le bailleur. Notons encore la loi organique de l’assistance publique du 10 mars 1925, celle sur la procédure en matière de divorce et celle modifiant la répression du vagabondage et de la mendicité.

Il faudrait des pages pour analyser succinctement tous les projets de lois dus à Fulgence Masson qui fut toujours passionnément défenseur de la liberté et des droits de l’homme, serviteur d’un idéal de tolérance et de justice, adversaire des persécutions et des tyrannies.

Il était nommé Ministre d’Etat le 13 mai 1925, jour où il abandonnait le département de la Justice. Réélu le 26 mai 1929 et le 27 novembre 1932, il continua à siéger à la Chambre jusqu’au 30 mai 1939, date à laquelle il donna sa démission et fut remplacé par Victor Maistriau.

Fulgence Masson fut aussi professeur de droit constitutionnel et administratif à l’Ecole normale de l’Etat à Mons, professeur d’économie politique et de morale à l’Institut supérieur de Commerce de Mons. Administrateur de cet institut depuis 1920, il est devenu président de la Commission administrative en 1923 et son mandat s’est terminé en 1939. Son buste, placé dans le hall d’honneur de l’Institut, a été réalisé par le sculpteur Joris et inauguré le 7 novembre 1957.

Si Fulgence Masson fut un avocat, un orateur hors de pair, il fut aussi et surtout un grand journaliste. Le 21 décembre 1906, avec quelques amis, il fondait une société anonyme, La Presse Libérale de Mons et de l’arrondissement. La Province était en gestation ; elle devait sortir son premier numéro le 1er mars 1907. Depuis la fondation de ce journal jusqu’à la guerre de 1940, Fulgence Masson en fut le directeur politique et le principal rédacteur. « Nulla dies sine linea », telle était la devise que nous pouvions lui appliquer. Pas un jour sans une ligne… Qu’il traitât de politique internationale, nationale ou locale, de problèmes économiques, financiers ou sociaux, qu’il se laissât tenter par une question philosophique, littéraire ou artistique, qu’il s’amusât à brosser un tableau, à croquer un portrait, il était toujours égal à lui-même, il excellait en tous genres grâce à sa vaste culture poussant ses racines dans un merveilleux humanisme. Celui dont les journalistes libéraux firent leur président d’honneur était maître dans l’art redoutable de la polémique, mais ici non plus il ne perdait jamais le sens de la mesure et, si sa phrase, ironique, mordante ou frondeuse, savait se faire sévère pour combattre une injustice ou redresser un travers, elle préférait écouter le conseil du poète : « Castigat ridendo mores ». Corriger les mœurs en riant… Donc, chaque jour, Fulgence Masson envoyait de la copie au journal. Certes, ses « papiers » n’étaient pas calligraphiés… et il détestait l’usage de la machine à écrire pour les reproduire. La pensée, plus rapide que la plume, forçait celle-ci à abréger les mots. La feuille blanche, couverte d’une écriture nerveuse, était zébrée de ratures, de renvois, de corrections. Un vrai casse-tête pour le secrétaire de rédaction et les linotypistes. L’écrivain, toujours, voulait la précision, recherchait le terme propre. Bref, l’article présentait l’aspect d’un beau feu d’artifice ; il était comme les discours de Fulgence Masson : une explosion de champagne spirituel. En plus de sa collaboration quotidienne à La Province, Fulgence Masson écrivait assez régulièrement dans maintes publications : La Chronique, L’Etoile Belge, Le Petit Bleu, La Flandre Libérale, La Gazette, La Réforme, Libra Illustré, Le Flambeau, etc. Il a donné un article hebdomadaire, en tribune libre, au journal Le Soir pendant une période s’échelonnant du 21 juin 1927 au 28 mars 1936. Comment concevait-il le rôle de journaliste ? « Tâche bien ardue celle de l’homme qui est chargé d’éclairer ses contemporains sur les problèmes compliqués que chaque jour fait surgir, et dont les solutions quelles qu’elles soient suscitent des réactions, choquent des sentiments et blessent des intérêts. Il faut en prendre son parti, accomplir son devoir, mettre sa conscience à l’aise en prenant pour principe de s’inspirer toujours de la justice des décisions à prendre et de repousser toutes les suggestions qui s’écartent de la vérité » (numéro spécial du vingt-cinquième anniversaire de La Province, 1er mars 1932).

Le 17 septembre 1933 fut une journée d’apothéose pour Fulgence Masson. Le 6 juin de cette année, il avait écrit une lettre au président de la Chambre afin de mettre un terme à sa carrière parlementaire. Le parti libéral avait tenu à exprimer par une manifestation nationale les regrets que lui inspirait la décision de l’éminent homme d’Etat et l’admiration et la reconnaissance méritées par la longue et prestigieuse carrière du grand leader libéral. Il y eut de nombreux discours, un mémorable banquet de théâtre.

Après cette impressionnante manifestation, il resta entre les mains du comité organisateur un reliquat fort important. Une association sans but lucratif fut constituée, avec l’accord de Fulgence Masson ; pour répondre au vœu exprimé par le vénéré ministre d’Etat, on décida d’affecter chaque année les intérêts du capital à un double but : premièrement, allouer des prix ou des bourses de voyage et d’étude à des élèves des établissements officiels d’instruction à Mons ; deuxièmement, attribuer des récompenses aux mères de famille de condition modeste, habitant l’arrondissement de Mons, sorties des écoles officielles ou dont les enfants fréquentent les écoles officielles, qui se distinguent par des qualités d’ordre, d’économie et de propreté et qui dirigent avec un soin particulier l’éducation et l’instruction de leurs enfants.

Le 20 décembre 1935, lors de la première remise des prix quinquennaux du Hainaut au docteur Jules Bordet, savant bactériologiste et prix Nobel, à Jules Destrée, ancien ministre et fondateur de l’Académie de Langue et Littérature Françaises, au sculpteur Victor Rousseau, à l’abbé Georges Lemaître, professeur d’astronomie à l’Université de Louvain, la grande médaille fut offerte à Fulgence Masson « dont la longue vie demeure un haut exemple d’honneur et de travail ».

Il était d’une extrême modestie ; au Roi Albert qui lui manifestait son intention de l’anoblir, en 1919, il répondit : « Je ne me vois pas en baron Masson ; Sire, laissez-moi le nom roturier que m’a légué mon père ».

A son décès, la famille reçut de très nombreux témoignages de sympathie attristée, notamment du Roi Léopold III, de la Reine Elisabeth et du Comte de Flandre.

 

Clovis Piérard – Biographie Nationale.